La perte d’une chance, qui est un type particulier de dommage 1, peut être définie comme la « perte certaine d’un avantage probable » 2.
La perte d'une chance peut également être définie comme la disparition de la possibilité de ce qu'un évènement favorable survienne ou de ce qu'un événement défavorable ne survienne pas 3.
C'est fréquemment en matière médicale que la question de la perte de chance se pose notamment lorsque la faute du médecin consiste dans une erreur de diagnostic, un diagnostic tardif ou dans un choix tardif des moyens thérapeutiques adaptés, de sorte que le patient a perdu une chance de guérison.
Traditionnellement, le droit belge admet que la perte d'une chance puisse constituer un dommage réparable. La Cour de Cassation a notamment retenu, dans un arrêt de principe, l'indemnisation de la perte d'une chance de guérison d'un patient victime d'une faute dans un traitement pratiqué par un médecin 4.
Il est exigé que la perte de chance soit établie, et non uniquement hypothétique 5.
En outre, la perte d'une chance ne peut toutefois constituer un dommage réparable que pour autant que la perte soit certaine et que la chance perdue ait été sérieuse et réelle et non purement conjecturale 6. En d'autres termes, bien qu'il n'y ait pas de certitude que l'avantage perdu se serait concrétisé sans la faute, il doit être certain qu'un tel avantage existait et qu'il a été perdu en raison de la faute commise.
Si l’on recourt à la notion de la perte de chance en droit de la responsabilité médicale, c’est parce qu’il est rare que le dommage soit absolument certain, car il ressort de la comparaison avec un état qui est seulement hypothétique en raison de l’aléa médical 7.
En réalité, la certitude est « judiciaire » : c’est le juge qui déclare l’établissement du dommage, en fonction de la probabilité de la littérature scientifique à l’issue d’études statistiques 8.
L'absence de guérison, voire le décès du patient, doit donc être en lien causal avec la faute reprochée au médecin, en ce sens qu'il ne serait pas survenu en l'absence de cette faute.
Cette faute peut être d'origine diverse. Elle peut par exemple consister dans le fait pour le médecin de ne pas être intervenu à temps, d'avoir omis d'informer le patient 9, de ne pas avoir recueilli son consentement concernant une intervention ou encore de s'être trompé de diagnostic alors qu'un médecin normalement prudent et diligent n'aurait pas commis cette erreur 10.
La faute doit par ailleurs être la condition sine qua non de la perte d'une chance de rétablissement ou de survie 11.
La réparation de la perte d'une chance est proportionnée à la chance perdue. Elle ne peut donc jamais être équivalente à l'avantage qu'aurait procuré cette chance à la victime si elle s'était réalisée. Cela signifie que l'indemnisation ne peut jamais correspondre à l'évaluation du préjudice réellement subi.
Pour déterminer le montant de cette perte de chance, il convient, en premier lieu, de déterminer le préjudice total résultant de la perte de l'avantage. On applique ensuite à ce montant, un pourcentage correspondant à la probabilité que l'avantage se soit réalisé en l'absence de faute.
Lorsqu'il n'est pas possible de chiffrer la valeur de la chance perdue, le juge évaluera celle-ci ex aequo et bono, c'est-à-dire de manière forfaitaire 12.
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1. G. GENICOT, Droit médical et biomédical, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 479.
2. J.-L. FAGNART, « La perte d’une chance ou la valeur de l’incertain », in La réparation du dommage. Questions particulières, Anthemis, Droit des assurances, 2006, pp. 73-74.
3. D. PHILIPPE, « Perte de chance et détermination du dommage », D.A.O.R., 2014/111, p. 79.
4. Cass., 19 janvier 1984, Pas., I, p. 548.L.
5. G. GENICOT, Droit médical et biomédical, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 480.
6. P. VAN OMMESLAGHE, « Perte d'une chance et risque réalisé : chercher l'erreur… » in Droit médical et dommage corporel, Anthemis, Bruxelles, 2014, p. 214.
7. G. GENICOT, Droit médical et biomédical, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 480.
8. T. VANSWEEVELT, « La responsabilité des professionnels de la santé », in Responsabilités. Traité théorique et pratique, Kluwer, L. 25, T. II, 2000, p. 56, n°121.
9. Cass., 12 mai 2006, Pas., 206, p. 1112.
10. P. VAN OMMESLAGHE, « Perte d'une chance et risque réalisé : chercher l'erreur… » in Droit médical et dommage corporel, Anthemis, Bruxelles, 2014, p. 215.
11. Cass., 5 juin 2008, J.T., 2009/ 6336, p.28.
12. G. GENICOT, Droit médical et biomédical, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 494.