Présentation des faits1
Le 28 avril 2000, un acte sous seing privé a été établi entre Madame K. et Monsieur M., au terme duquel celle-ci acceptait de lui céder des parcelles de terrain. Selon cet acte, les frais étaient à charge de l'acheteur et les actes étaient « à passer dans les quatre mois ». Il convient de préciser que Monsieur M. était par ailleurs le gérant d'une société agricole, la société D.
Une contestation portant sur l'extension de l'acte à une parcelle de 532 ares est ensuite née entre les parties.
Le 26 juillet 2000, Monsieur M. a fait enregistrer l'acte dans le but de donner date certaine à l'accord.
Par acte authentique du 03 janvier 2001, Madame K. a cédé les parcelles désignées dans l'acte sous seing privé précité, acquises pour la nue-propriété par Monsieur M. et pour l'usufruit par la société agricole D.
Dès lors que l'identité de l'acquéreur, reprise dans l'acte sous seing privé du 28 avril 2000 ne correspond pas à l'identité de l'acquéreur reprise dans l'acte authentique du 03 janvier 2001, des questions se sont posées par rapport à l'administration fiscale, cette dernière pouvant en effet considérer qu'il s'agit d'une revente. C'est pourquoi les deux parties ont voulu attiré l'attention de l'administration fiscale sur leur intention réelle, à savoir l'acquisition de la nue-propriété pour les personnes physiques et de l'usufruit pour la société agricole, tel que cela ressort de l'acte authentique du 03 janvier 2001. En conséquence, les parties estimaient être redevables du droit fixe général pour le droit d'enregistrement.
Le 13 septembre 2001, Monsieur M. a introduit une requête tendant à ce qu'il soit dit pour droit que l'acte authentique de vente passé le 03 janvier 2001 n'entraine pas une revente de l'usufruit du bien vendu en faveur de la société D. En effet, Monsieur M. considère que l'offre du 28 avril 2000 ne constitue pas un acte de vente parfait.
A titre subsidiaire, Monsieur M. a demandé au Tribunal de dire pour droit que l'acte du 28 avril 2000 constatait la vente de l'usufruit des parcelles à la société D. et la vente de la nue-propriété à Monsieur M., et par conséquent d'ordonner le remboursement des droits d'enregistrement perçus sur la prétendue revente de l'usufruit.
Décision
Le Tribunal a scindé son raisonnement en deux parties, à savoir d'une part la qualification de l'acte du 28 avril 2000 et les droits d'enregistrement y relatifs, et d'autre part l'acte authentique du 3 janvier 2001 et les droits d'enregistrement y relatifs.
Tout d'abord, concernant la qualification de l'acte du 28 avril 2000, le Tribunal rappelle le contenu de l'article 19 du Code des droits d'enregistrement, selon lequel « les actes translatifs ou déclaratifs de propriété ou d'usufruit d'immeubles situés en Belgique » doivent être enregistrés.
Le Tribunal applique également l'article 1583 du Code civil, selon lequel la vente « est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé ». En l'espèce, le Tribunal constate que l'acte en question précise l'objet de la vente, ainsi que le prix. L'acte avait par ailleurs été signé par le propriétaire mais également par les acheteurs.
Concernant l'analyse de Monsieur M., à savoir que le contrat datant du 28 avril 2000 constituait une promesse de vente ne créant des engagements que dans le chef du propriétaire, le Tribunal rappelle que la promesse unilatérale de vente « engage irrévocablement le promettant à réaliser la vente si le bénéficiaire exprime la volonté d'acquérir le bien, pour autant que les parties soient d'accord sur la chose et sur le prix ».
En l'espèce, dès lors que l'acte prévoyait clairement l'obligation de passer les actes dans les quatre mois (« les actes sont à passer dans les quatre mois »), les juges estiment que Monsieur M. avait déjà souscrit des engagements relativement à la vente.
Sur base de cette clause, le Tribunal considère en conséquence que la qualification de promesse de vente ne peut pas être retenue en l'espèce mais qu'il s'agissait bien d'une vente sur laquelle Monsieur M. a marqué son accord en signant l'acte. En application de l'article 1583 du Code civil, la vente était parfaite et emportait le transfert de la propriété.
Le Tribunal décide que c'est à bon droit que l'administration fiscale a considéré l'acte du 28 avril 2000 comme constituant un acte translatif de propriété entre Monsieur M. et Madame K., et a perçu des droits d'enregistrement lorsque cet acte a été présenté à la formalité d'enregistrement.
Ensuite, concernant l'acte authentique du 03 janvier 2001, le Tribunal constate que les terrains en question ont fait l'objet d'une vente entre Madame K. et Monsieur M. par l'acte du 28 avril 2000, Madame K. ayant ensuite cédé par acte authentique l'usufruit des mêmes terrains à la société D.
Concernant la demande principale de Monsieur M., le Tribunal rappelle qu'il a été jugé que l'acte du 28 avril 2000 constituait bien un acte de vente parfait.
Quant à la demande subsidiaire de Monsieur M., le Tribunal estime qu'il est possible de déduire de la lecture de l'acte du 28 avril 2000 que ce dernier ne traite pas d'usufruit et que la société D. n'est pas partie à cet acte.
Par ailleurs, c'est bien l'acte authentique et non l'acte du 28 avril 2000 qui constate une cession d'usufruit entre Madame K. et la société D. A cet égard, les juges rappelent que concernant la perception des droits d'enregistrement le fisc est un tiers par rapport aux actes qui lui sont présentés et que par conséquent les contre-lettres ne lui sont pas opposables.
Bon à savoir
La promesse de vente est une convention par laquelle le vendeur s’engage à vendre un immeuble à un prix déterminé à l’acheteur, si celui-ci décide de lever l’option d’achat qui lui a été consentie2.
Il est important de préciser que la promesse unilatérale de vente n'est pas un contrat de vente. En effet, en vertu de ce contrat sui generis, le promettant s'engage à maintenir sa promesse durant une période de temps déterminée pendant laquelle le bénéficiaire de l'option peut lever celle-ci. Par cette levée de l'option, le contrat de vente sera alors formé. Ce n'est dès lors que lorsque l'option est levée que la vente sera réalisée3. Il est à cet égard important de mentionner que la vente n'opère pas avec effet rétroactif, tel que cela a été confirmé par la Cour de cassation4.
La promesse unilatérale de vente doit cependant contenir les éléments constitutifs essentiels et substantiels de la vente, c'est-à-dire la désignation précise du bien vendu, l'indication de son prix, les délais et les modalités de la levée de l'option.
Toutefois, lorsque les parties concluent un acte en vertu duquel l'une d'elle s'engage à céder à l'autre des parcelles de terrain moyennant le paiement d'un certain prix, et qu'il est mentionné dans cet acte que les actes sont « à passer dans les quatre mois », il y a lieu de considérer qu'il ne s'agit pas d'une promesse unilatérale de vente mais d'une vente parfaite dès ce moment et emportant par conséquent transfert de la propriété en vertu de l'article 1583 du Code civil5. En effet, dans ce cas, l'acte ne prévoit pas un délai d'option en vue de la conclusion éventuelle de la vente mais prévoit que les « actes sont à passer dans les quatre mois », ce qui constitue déjà un engagement de la part du promettant relatif à la vente.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Civ. Liège, jugement du 25 avril 2006, rec. gén. enr. not., 2006, p.320.
2. Anvers (1e bis ch.), n° 2007/2769, 16 avril 2007, R.C.D.I., 2008, liv. 1, p. 52.
3. Cass., 7 octobre 1935, Pas., 1935, I, p. 355.
4. Cass., 23 septembre 1969, Pas., 1970, I, p. 73 ; Cass., 9 janvier 1975, Pas., 1975, I, p. 482.
5. Civ. Liège, jugement du 25 avril 2006, rec. gén. enr. not., 2006, p.320.