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DROIT IMMOBILIER

VENTES IMMOBILIERES

25 Octobre 2016

Liège - Dissimulation partielle du prix

Liège - Dissimulation partielle du prix

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Présentation des faits1

Le 1er avril 1980, Monsieur B. a signé une reconnaissance de dettes d'un montant de 19.487, 18 euros. Le 4 avril 1980, Monsieur B. a ensuite signé une convention d'achat, dans laquelle seul le prix de vente officiel a été déclaré.

Dès lors que Monsieur B. n'a payé que le prix mentionné dans l'acte de vente, et pas les 19.487, 18 euros, il a été assigné par le vendeur, Monsieur X., afin d'en obtenir le paiement, cette somme représentant en effet la « part d'argent en noir » du prix d'achat de l'immeuble.

Le premier juge a déclaré la demande non fondée. Il a en effet considéré que la convention confidentielle du 1er avril 1980 était basée sur un motif contraire à l'ordre public, à savoir permettre une fraude fiscale en payant une partie du prix de l'immeuble de manière informelle.

Monsieur X. a interjeté appel contre cette décision.

Décision de la Cour d'appel de Liège

La Cour d'appel se pose tout d'abord la question de savoir si la contre-lettre se rapportant à la convention de vente est nulle en raison du fait qu'elle repose sur une cause illicite. Les juges s'interrogent également sur la question de savoir si l'adage « nemo auditur propriam turpitudinem allegans »2 trouve à s'appliquer en l'espèce.

La Cour rappelle ensuite que la cause juridique d'un contrat est le « mobile déterminant ». A cet égard, la Cour analyse plusieurs arrêts de la Cour de cassation, et notamment un arrêt du 12 octobre 2000 dans lequel il a été jugé que lorsqu'une convention a été conclue dans le but d'avoir recours à une fraude fiscale, cette convention est frappée de nullité absolue, peu importe que le cocontractant ait partagé ce but ou pas.

Par ailleurs, la Cour d'appel se réfère à l'arrêt de la Cour de cassation du 18 mars 1988, duquel il ressort que lorsque les parties à une convention de vente ont convenu de dissimuler une partie du prix, la convention en question est nulle pour contrariété à l'ordre public mais que la convention de vente ne peut quant à elle pas être déclarée nulle pour cette raison. La Cour d'appel rappelle que cet arrêt a été interprété de plusieurs manières.

Selon l'interprétation de la Cour d'appel, seule la convention conclue à l'occasion de la vente et consistant dans l'engagement de taire le prix de vente réellement convenu dans l'acte écrit est nulle, tandis que la convention de vente « officielle » et la contre-lettre ne sont pas frappées de nullité dès lors que le mobile déterminant consistait à transférer la propriété d'un immeuble pour un prix déterminé au sujet duquel les parties étaient d'accord et non pas à procéder à une fraude fiscale. Par conséquent, la fraude fiscale ne peut pas être considérée comme le mobile déterminant, mais a uniquement été convenue de manière supplémentaireà l'occasion de l'accord portant sur la vente.

En conséquence, la Cour d'appel de Liège réforme l'arrêt attaqué et condamne l'acheteur à payer la part dissimulée du prix de vente.

Bon à savoir

Un des éléments essentiels de la vente est le payement du prix. A défaut de prix, il ne s'agit en effet pas d'une vente mais plutôt d'un échange3.

Afin d'éviter une requalification du contrat, il est nécessaire que le prix du bien immobilier soit fixer, soit chiffrer directement par les parties dans le contrat de vente4 soit fixer par l'intervention d'un expert ayant pour mission de déterminer la valeur du bien immobilier5.

Dans la pratique, il est toutefois fréquent que les parties décident qu'une partie du prix du bien immobilier sera payée « en noir »6. La majorité de la jurisprudence estime que dissimuler une partie du prix de vente en vue d'éviter l'impôt est contraire à l'ordre public7. Il est cependant important de savoir que la vente elle-même ne peut pas être frappée de nullité pour cette raison8.

Quant à la simulation, il y a lieu de la définir de la façon suivante : « lorsque les parties font un acte apparent dont elles conviennent de modifier ou de détruire les effets par une autre convention demeurée secrète. La simulation suppose donc deux conventions, contemporaines l'une de l'autre, mais dont l'une n'est destinée qu'à donner le change. Il n'existe qu'une convention réelle, la convention secrète »9.

 

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

 ___________________

 

1. Liège, 30 novembre 2006, R.G.D.C., 2008, p.103.

2. Pour rappel : expression latine signifiant « Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ».

3. Article 1702 du Code civil.

4. Article 1591 du Code civil.

5. A cet égard, voyez : L. SIMONT, «  Contribution à l’étude de l’article 1592 du Code civil », in Mélanges offerts à Pierre Van Ommeslaghe, Bruxelles, Bruylant, 2000, p. 273, n°11.

6. Voyez : M. DUPONT, « Dissimulation d’une partie du prix et droit d’enregistrement : tel est pris qui croyait prendre ! », note sous Mons, 30 novembre 2006, R.G.D.C., 2008, p. 106.

7. Liège, 30 novembre 2006, R.G.D.C., 2008, p. 103, note M. DUPONT.

8. Cass., 18 mars 1988, J.T., 1989, p. 5. 

9. H. De Page, Traité élémentaire de droit civil, T. II, 3ème éd., 1964, p. 618, n° 618.


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