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DROIT IMMOBILIER

VENTES IMMOBILIERES

3 Février 2016

Cour de cassation - Article 1633 du Code civil

Cour de cassation - Article 1633 du Code civil

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Présentation des faits1

En mai 2004, Monsieur et Madame M. ont décidé de mettre en vente leur propriété. Ils ont confié un contrat d’agence immobilière à la Société L.

Une mission non exclusive a été confiée à celle-ci en vue de la vente du bien, et ce moyennant des honoraires fixés à 3% du prix de vente définitif. Le prix annoncé était quant à lui fixé à 2.650.000 euros.

Plusieurs candidats ont été contactés, dont Monsieur et Madame S., et une visite a été annoncée le 12 mai 2004. A cette date, ils ont effectivement visité le bien, en présence, de Monsieur K., représentant de la Société L.

Le 13 mai, Monsieur et Madame S. ont demandé à l’agent immobilier de se voir accorder une option de deux mois sur l’immeuble en question, au prix de 75.000 euros. Monsieur et Madame M. ont refusé d’accorder cette option, mais ont accepté de leur accorder un droit dont les contours exacts sont au centre du présent litige.

Après la visite du bien par les époux H.-S., l’agence immobilière a informé Monsieur et Madame S. que les vendeurs s’engageaient à les tenir informés de toute offre ferme sur leur bien durant un délai de dix jours à dater du 13 mai. Ils leur ont octroyé leur droit de s’aligner dans un délai de 24h sur le montant d’une offre faite aux vendeurs.

Le 15 mai, les époux H.-S. ont de nouveau visité le bien, et ont signé une offre écrite pour le prix de 2.650.000 euros. Monsieur et Madame M. ont signé cette offre pour accord.

Le même jour, Monsieur K. a informé Monsieur et Madame S. par téléphone de l’existence de cette offre ferme pour le prix de 2.650.000 euros.

Le 16 mai, Monsieur K. a écrit à Monsieur et Madame M. et a constaté que ceux-ci avaient pris la décision de vendre aux époux H.-S. en dépit du fait qu’ils l’avaient autorisé verbalement à octroyer à Monsieur S. un droit de préférence de dix jours.

Les vendeurs ont répondu qu’ils n’avaient accordé aucune option à Monsieur et Madame S. et qu’ils étaient tout à fait libres de vendre à qui ils le souhaitaient.

Le 17 mai, les vendeurs ont signé un compromis de vente avec les époux H.-S.

Monsieur et Madame S. ont ensuite saisi le Tribunal de première instance de Bruxelles pour qu’il soit fait interdiction à Madame et Monsieur M. de céder la propriété litigieuse à qui que ce soit. Le Président du Tribunal de première instance a fait droit à leur demande. L’ordonnance de référé a toutefois ensuite été reformée par un arrêt de la Cour d’appel du 11 août 2005.

Le 10 octobre 2005, l’acte de vente du bien entre les vendeurs et les époux H.-S. a été reçu et transcrit le lendemain.

Entre-temps, Monsieur et Madame S. ont payé les droits d’enregistrement relatifs à la vente de la propriété et on fait enregistré la lettre du 16 mai par laquelle ils écrivaient accepter la vente du bien au prix de 2.650.000 euros.

Monsieur et Madame S. considèrent qu’un droit de préférence leur a été accordé.

La Cour d’appel de Bruxelles, dans son arrêt du 26 novembre 2009 a considéré que Monsieur et Madame S. avaient conclu une vente parfaite de l’immeuble avec Monsieur et Madame M. en date du 16 mai 2004, et que ceux-ci avaient vendu le même immeuble aux époux H.-S. en vertu d’un compromis signé le 17 mai 2004 et d’un acte authentique de vente passé le 10 octobre 2005.

Les juges ont refusé à Monsieur et Madame S. le bénéfice de la garantie d’éviction et rejeter la demande qu’ils fondaient sur l’article 1633 du Code civil.

Monsieur et Madame S. ont introduit un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

Décision de la Cour de cassation

La Cour de cassation commence par rappeler l’article 1626 du Code civil, selon lequel le vendeur est obligé de droit à garantir l’acquéreur contre l’éviction qu’il souffre dans la totalité ou partie de l’objet vendu, quoique lors de la vente il n’ait été fait aucune stipulation sur la garantie.

De plus, conformément à l’article 1630, 4°, du Code civil, la Cour considère que lorsque la garantie a été promise ou qu’il n’a rien été stipulé à ce sujet, si l’acquéreur est évincé, il a le droit de demander des dommages et intérêts au vendeur, ainsi que les frais et coûts du contrat.

La garantie d’éviction n’est par ailleurs pas exclue par la circonstance que le transfert de propriété a été différé.

En l’espèce, la Cour estime que les juges d’appel ont violé les dispositions légales précitées lorsqu’ils ont refusé le bénéfice de la garantie d’éviction et rejeter la demande que Monsieur et Madame S. fondaient sur l’article 1633 du Code civil. Les juges ont en effet justifié leur refus par le fait que « l’éviction consiste dans tout fait quelconque émanant du vendeur lui-même ou d’un tiers, ayant pour effet d’enlever à l’acheteur, en tout ou en partie, la propriété ou l’usage de la chose vendue ». La Cour d’appel avait également estimé que l’éviction supposait nécessairement la dépossession, mais qu’en l’espèce, Monsieur et Madame S. n’avaient pas été « dépossédés » de l’immeuble puisque lorsque Monsieur et Madame M. ont vendu le même bien aux époux H.-S., Monsieur et Madame S. n’étaient pas encore propriétaires. Il était effectivement prévu que le transfert de propriété à leur profit ne devait se réaliser qu’au moment de la passation de l’acte authentique, soit pas avant le 17 janvier 2005.

La Cour de cassation estime qu’un tel raisonnement viole les dispositions légales précitées.

Bon à savoir

Le droit de préemption, également appelé pacte de préférence, peut être défini comme étant un droit reconnu à une personne lui permettant d’avoir priorité sur tout autre candidat si le bien immobilier venait à être mis en vente2.

Lorsque le propriétaire d’un immeuble accorde un droit de préférence, il est ensuite obligé de permettre au bénéficiaire du pacte de préférence de conclure la vente de préférence vis-à-vis des tiers acquéreurs.

Par conséquent, il est tenu de lui transmettre les informations relatives à la vente, et notamment celles concernant le prix.

Si le propriétaire vend directement à un tiers, violant ainsi son obligation, le bénéficiaire du droit de préférence peut obtenir des dommages et intérêts. Dans l’hypothèse où le tiers est de mauvaise foi, il peut même obtenir l’annulation de la vente en justice3.

La jurisprudence va même plus loin, car elle permet de condamner le propriétaire à vendre son immeuble au bénéficiaire du pacte aux mêmes conditions que celles prévues dans la vente annulée4.

Lorsque la vente est réalisée par l’exercice régulier d’un pacte de préférence, l’acquéreur a le droit d’être garanti contre l’éviction, même si le transfert de propriété n’a pas encore eu lieu. La garantie d’éviction n’est en effet pas exclue par le fait que le transfert la propriété de la chose soit différé.

 

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

___________________

1. Cass., 11 octobre 2012, J.L.M.B., 2013, liv. 6, p. 379.

2. Voyez : E. BEGIUN, « Droit de préemption : quelques réflexions liées à la pratique notariale », Rev. dr. rur. , 2003, pp. 85 et suivantes.

3. Cass., 27 avril 2006, Pas., 2006, I, p. 976.

4. Bruxelles, 16 septembre 1999, J.T., 2001, p. 71.


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