Présentation des faits1
La société W a acquis le 17 mai 1991, un terrain pour un montant de 64.452,32 €. Le terrain se situait sur l’ancien site d’exploitation d’une sucrerie exploitée par la société R.
La société W décida d’entreprendre des travaux sur ledit terrain dans le but de construire un garage pour poids lourds.
Lors des travaux de terrassement destinés à établir les fondations du garage, la société W s’est rendu compte qu’un ruisseau souterrain (non repris sur les plans établis par le géomètre en 1990) traversait le terrain.
En outre, il apparut que des galeries maçonnées s’étendaient sur une longueur approximative de 30 mètres.
Par conséquent, la société W a introduit une action estimatoire contre le vendeur en garantie des vices cachés affectant le terrain.
Un expert a été désigné et a rendu une ordonnance par laquelle il conclut que le ruisseau et les galeries ont nécessairement rendu l’utilisation du terrain plus malaisées et plus onéreuses.
Le vendeur considère que l’action introduite par la société W est irrecevable car elle n’est pas introduite à bref délai comme le prévoit l’article 1648 du Code civil. En outre, le vendeur considère également que les vices affectant le terrain étaient aisément décelables par un acheteur attentif et normalement avisé.
Le Tribunal a rendu un jugement par lequel il fait droit à la demande de la société W et condamne le vendeur à la restitution d’une partie du prix de la vente du terrain.
Le vendeur a fait appel de cette décision. La société W forme un appel incident par lequel elle réclame une plus grande somme sur la restitution du prix de la vente du terrain.
Décision de la Cour d’appel de Mons
La Cour, après analyse du dossier, considère que la société W a agi à bref délai étant donné que les vices sont devenus manifestes en juin 1991 et que la société W a assigné le vendeur en justice en juillet 1991.
En outre, la Cour constate que ni les plans du géomètre, ni l’étude qui a été réalisée sur le sol, ni le permis d’urbanisme, ni l’acte notarié de vente ne contiennent les informations permettant à l’acquéreur de déceler les caractéristiques particulières du terrain.
Par conséquent, la Cour estime qu’il existe bel et bien un vice caché au moment de la vente qui rend le bien impropre à l’usage auquel il est destiné.
La Cour constate également que l’usage et les projets que la société W souhaitait développés étaient connus du vendeur.
La Cour rappelle, par ailleurs, que la clause d’exonération de garantie du chef de vices cachés, au profit du vendeur, est valable si ce dernier a informé l’acheteur soit expressément soit implicitement de la possibilité de l’existence de tels vices.
La Cour estime que la clause selon laquelle un acheteur déclare bien connaître le bien, profiter des servitudes actives, se défendre de celles passives, le tout à ses frais, risques et périls et s’être enquis des servitudes imposées par les services urbanistiques ou les autorités administratives, ne s’assimile pas à une clause d’exonération de garantie des vices cachés.
Qu’en l’espèce, le passage d’une rivière souterraine non mentionné dans le contrat est un défaut essentiel et invisible au moment de la vente susceptible d’entraver le développement des constructions que l’acquéreur entendait ériger.
Eu égard à ce qui précède, la Cour considère donc que la société W a le droit de récupérer une partie du prix de la vente, et ce, sur base de l’article 1644 du Code civil.
La Cour estime ne pas avoir assez d’éléments pour déterminer le montant qui doit être récupéré par la société W et décide de désigner un expert afin qu’il donne son avis sur la moins-value du terrain et qu’il chiffre le montant du préjudice encouru par la société W.
Bon à savoir
Conformément à l’article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
L’acquéreur lésé par l’existence de vices cachés peut introduire deux actions prévues par l’article 1644 du Code civil. D’une part, l’action rédhibitoire, qui lui permet de demander la résolution de la vente et le remboursement du prix, et d’autre part, l’action estimatoire lui permettant d’être remboursé d’une partie du prix, tout en conservant la chose2.
On peut considérer qu’il y a vice caché lorsque ni les plans du géomètre, ni l’étude qui a été réalisée sur le sol, ni le permis d’urbanisme, ni l’acte notarié de vente ne contiennent les informations permettant à l’acquéreur de déceler l’existence d’un ruisseau en sous-sol.
Il est utile de rappeler que pour que l’action estimatoire de l’acquéreur soit recevable, celle-ci doit être introduite à bref délai conformément à l’article 1648 du Code civil.
Les parties sont libres de modaliser la garantie des vices cachés en prévoyant des clauses extensives ou restrictives de la garantie. En effet, il découle de l’article 1643 du Code civil, que s'il ne connaît pas l'existence de vices cachés, le vendeur peut, en toute légalité, s'exonérer de la garantie.
Toutefois, la clausepar laquelle l’acheteur déclare bien connaître le bien, profiter des servitudes actives, se défendre de celles passives, le tout à ses frais, risques et périls et s’être enquis des servitudes imposées par les services urbanistiques ou les autorités administratives, ne s’assimile pas à une clause d’exonération de garantie des vices cachés.
En effet, les termes généraux employés ne prouvent pas que les acquéreurs avaient marqué leur accord sur une exonération de la garantie du vendeur pour des vices cachés3.
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1. Cour d'appel Mons (7e chambre), 9 septembre 2003, J.L.M.B., 2004/23, p. 1024.
2. B. Khol, La vente immobilière. Chronique de jurisprudence 1990-2010, Bruxelles, Larcier, p. 276.
3. Gand, 8 mai 2003, R.W., 2005-2006, p. 1057.