Présentation des faits1
Une promesse de vente d’immeuble a été signée le 11 janvier 1999 entre les époux C.-D. et le vendeur.
Le 24 mars 1999, un acte authentique de vente a été signé et les acheteurs ont ensuite emménagé dans l'immeuble.
Celui-ci a été inondé trois fois entre le 7 mai et le 5 juin 1999.
Le 12 juillet 1999, les acheteurs ont assigné le vendeur devant le tribunal civil de Tournai, afin notamment, d'entendre prononcer l'annulation de la vente pour vice de consentement et d'obtenir des dommages et intérêts.
De nouvelles inondations sont survenues dans l'immeuble le 26 décembre 1999 et un arrêt d'inhabitabilité a été pris par le bourgmestre de Lessines le 28 décembre 1999.
Les époux C.-D. se sont relogés dans un autre immeuble.
Par jugement du 23 mai 2001, le tribunal de première instance de Tournai a dit la demande recevable mais non fondée.
Les époux C.-D. ont interjeté appel de ce jugement par requête du 2 juillet 2001.
Le vendeur est décédé le 3 juin 2002 et l'instance a été reprise par son fils, Monsieur A.
Par son arrêt du 16 mars 2004, la Cour d’appel a réouvert les débats, afin que les parties produisent le compromis de vente intervenu et s'expliquent quant à son incidence sur le litige.
Décision de la Cour d’appel
La cour d’appel constate que les appelants ont commis une erreur quant au caractère inondable de l'immeuble et à son habitabilité dans des conditions de confort normales.
Elle rappelle que, conformément à l’article 1110 du Code civil, l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle porte sur la substance même de la chose qui en est l'objet.
En effet, cette erreur porte bien sur un élément qui a déterminé principalement les acquéreurs à contracter et il est certain qu'ils n’auraient pas acheté le bien s'ils avaient su que cet immeuble allait faire l'objet d'importantes inondations, se répétant à diverses reprises.
De plus, le caractère inondable de l'immeuble a déjoué leurs légitimes prévisions quant à son utilisation normale en tant qu'habitation.
La Cour considère cependant que les acheteurs ne pouvaient raisonnablement, à moins de se montrer négligents, ignorer que l'immeuble avait été jadis victime d'inondations.
En effet, l’époux C., maçon de profession, aurait dû avoir son attention attirée par la présence des murets.
En outre, les acheteurs ont dû constater l'existence de dispositifs anciens (murets) destinés à protéger l'immeuble, mais également l'absence de toute trace récente d'inondation.
La Cour considère donc que les acheteurs ont ainsi pu croire que le problème d'inondation dans l'immeuble n'était plus d'actualité.
Dès lors, l'erreur que les acheteurs ont commise n'apparaît pas, selon la cour, comme étant inexcusable.
En effet, une personne normalement prudente, diligente et raisonnable aurait pu légitimement croire que la question des inondations ne se posait plus à l'époque de la vente.
La Cour déclare donc que les diverses conditions de l'erreur substantielle sont ainsi réunies en l'espèce et qu'il convient de faire droit à la demande d'annulation de la vente.
La Cour condamne Monsieur A. à payer aux acheteurs la somme provisionnelle 50.000 euros et réserve à statuer sur le surplus.
Bon à savoir
Conformément à l’article 1109 du Code civil, “il n'y a point de consentement valable, si le consentement n'a été donné que par erreur, ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol”2.
L’article 1110 du Code civil précise que “l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet”3.
Afin d’obtenir la nullité du contrat sur cette base, il faut donc établir la présence d'une erreur et il est requis que celle-ci porte sur une qualité substantielle de l'objet du contrat4. De plus, l’erreur doit être commune et excusable5.
Pour que l'erreur ait un caractère substantiel, il faut qu'elle porte sur un élément qui a déterminé principalement la partie à contracter, de telle sorte que le contrat n'aurait pas été conclu en l'absence de cet élément
En outre, la qualité substantielle de la chose doit être appréciée soit du point de vue de sa qualité objective dans l'opinion commune, soit du point de vue de son utilisation normale.
Ensuite, l'erreur doit être commune, ce qui signifie que les qualités substantielles de la chose sur lesquelles a porté l'erreur doivent avoir été comprises comme telles dans la commune intention des parties contractantes.
Enfin, l’erreur doit être excusable. Une erreur est inexcusable lorsqu'elle n'aurait pas été commise par une personne normalement prudente, diligente et raisonnable. Lorsqu’une erreur, même substantielle, est inexcusable, elle n’est pas prise en considération et la convention n’est pas annulée. En effet, la priorité est donnée à la sécurité juridique et au maintien des conventions6.
Pour apprécier le caractère inexcusable de l'erreur, on tient également compte de l'obligation de s'informer de la partie qui s'est trompée et de l'obligation d'information de l'autre partie7.
Ainsi, l'acheteur qui, dans l'ignorance de son caractère inondable, acquiert un immeuble en vue d'en faire son habitation commet une erreur sur une de ses qualités substantielles. L'erreur commise par l'acheteur n'est pas inexcusable s'il a pu croire que le problème d'inondation n'était plus d'actualité au moment de l'acquisition. L'acheteur est donc en droit d'obtenir l'annulation de la vente.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Mons, 26 septembre 2005, J.L.M.B., 2006/19, p. 813-817.
2. Article 1109 du Code civil.
3. Article 1110 du Code civil.
4. C. GOUX, "L'erreur, le dol et la lésion qualifiée : analyse et comparaisons", in Formation permanente C.U.P. - U.Lg., vol. 27, La théorie générale des obligations, p. 23, n° 7
5. E. MONTERO, Les contrats de l’informatique et de l’internet, Bruxelles, Larcier, 2005, p. 238.
6. P. VAN OMMESLAGHE, Droit des obligations, T. II., Bruxelles, Bruylant, 2010, n°141.
7. C. GOUX, "L'erreur, le dol et la lésion qualifiée : analyse et comparaisons", in Formation permanente C.U.P. - U.Lg., vol. 27, La théorie générale des obligations,, p. 31, n° 12