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25 Octobre 2016

Cour d'appel de Liège - Transfert des risques

Cour d'appel de Liège - Transfert des risques

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Présentation des faits1

Le 20 juin 2011, Madame M., l'appelante, est déclarée adjudicataire sous réserve d'absence de surenchères pour la somme de 165.000 euros d'une villa.

En l'absence de surenchère, elle est devenue définitivement adjudicataire du bien en date du 7 juillet 2011.

Le 22 août 2011, Madame N. a constaté que le bien a été dégradé, victime de voleurs de matériaux de biens de constructions. Elle a déposé plainte pour ces faits.

Dès le 24 août 2011, Madame N. a écrit aux notaires chargés de la vente que les vendeurs restaient les gardiens de l'immeuble jusqu'à son entrée en jouissance des lieux au moment du payement du prix de vente. Selon elle, il leur appartenait de supporter la responsabilité de ces dégradations.

Madame N. a cité en justice les vendeurs, recherchant leur responsabilité contractuelle vendeurs pour manquement à leur obligation de délivrance.

Par jugement du 15 mai 2012, le tribunal de première instance de Verviers a débouté Madame N. de sa demande.

Madame N. a alors interjeté appel dudit jugement.

Décision de la Cour d’appel de Liège

La Cour d’appel de Liège rappelle tout d’abord que Madame N. est devenue propriétaire de l'immeuble le 7 juillet 2011, c’est-à-dire à compter du jour où l’adjudication est devenue définitive (article 23 du cahier des charges).

Dès l'instant où le transfert de propriété est acquis, les risques de la chose vendue sont passés à l'acheteur, Madame N., indépendamment de la délivrance. C'est ce qu'impose l'article 24 du cahier des charges conforme aux articles 1138, 1583, 1624 du Code civil.

Si la chose vient à périr par cas fortuit alors même que la délivrance n'a pas été réalisée, l'acheteur reste tenu de payer le prix.

Tenu de subir le risque total d'une perte totale, l’acheteur doit aussi subir celui lié à une perte partielle. Si l'acheteur est tenu de payer l'intégralité du prix lorsque la chose a été totalement détruite par force majeure avant d'être livrée, il doit en aller de même lorsque la chose est livrée endommagée par suite d'une cause étrangère.

La Cour d’appel constate qu’en l’espèce, l'immeuble a, postérieurement à cette date, fait l'objet d'un vol et de dégradations, alors que Madame N. n'avait pas encore versé le prix. Elle n'avait donc pas encore la jouissance du bien (article 24 du cahier des charges) et les vendeurs n'avaient donc pas encore exécuté leur obligation de délivrance, soit la remise de la chose en la possession de l'acheteur (article 1604 du Code civil).

La Cour rappelle ensuite que l'obligation de délivrance emporte comme obligation corrélative celle de conserver la chose jusqu'au moment où elle devra être remise à l'acheteur (article 1136 du Code civil).

Ainsi, l'article 24 du cahier des charges énonce que dans l'attente de cette entrée en jouissance, le vendeur demeurera gardien de son bâtiment ; il devra délivrer les biens à l'adjudicataire dans l'état où ils se trouvaient au moment de l'adjudication définitive (sans préjudice de ce qui est dit à l'article 23 à propos du transfert des risques).

La Cour d’appel précise à cet égard que l'obligation de délivrance est une obligation de résultat, celle de conserver la chose est une obligation de moyen (article 1137 du Code civil). Il importe de vérifier si le vendeur a pris les mesures normales pour assurer la conservation du bien vendu.

En l'espèce, lorsque le bien vendu fut mis en possession de Madame N., il n'était plus en l'état qui était le sien le 7 juillet 2011. En laissant ainsi un bien isolé, sans barrière ou clôture d'entrée, avec une porte de garage non fermée à clé, simplement bloquée par une pierre, le jardin non entretenu, les vendeurs sur qui reposaient l'obligation de garde du bien et qui devaient délivrer le bien, n'ont pas pris les mesures normales pour assurer la conservation du bien ; ils ne se sont pas comportés comme tout homme normalement prudent et raisonnable se serait comporté dans de telles circonstances.

Selon la Cour, les vendeurs ne démontrent pas avoir été confrontés à un cas fortuit ou un cas de force majeure, à savoir un événement inévitable et imprévisible. Il s'ensuit que leur responsabilité contractuelle est établie pour manquement fautif à leur obligation de délivrance.

La Cour d’appel estime qu’en l'absence de perte fortuite, il n'y a pas lieu à appliquer la théorie des risques et à faire supporter par Madame N. propriétaire, le risque de la perte partielle de la chose vendue.

Elle considère qu’en ce qui concerne le dommage, l'évaluation des dégâts causés à l'immeuble ne ressort pas de la compétence juridique de la Cour, en sorte qu'il est nécessaire de recourir à une expertise judiciaire.

Bon à savoir

Dès l'instant où le transfert de propriété est acquis, les risques de la chose vendue sont passés à l'acheteur.

Les parties peuvent toutefois modaliser le moment du transfert des risques2. Autrement dit, il est tout à fait probable que les risques soient déjà à charge de l’acheteur alors qu’il n’a pas encore reçu la chose achetée.

Lorsque le vendeur demeure après la vente gardien du bâtiment, il est tenu d'une obligation de conservation de la chose (laquelle est une obligation de moyen). Dans pareilles circonstances, un vol perpétré dans la propriété entre la date de la vente et celle de la délivrance ne constitue pas un événement inévitable et imprévisible constitutif d'un cas fortuit ou de force majeure pouvant libérer le vendeur de sa responsabilité.

_______________

1. Liège, 14 janvier 2014, J.L.M.B., 2015/1, pp. 34-38.

2. E. MONTERO et V. PIRSON, « La vente », in Guide juridique de l’entreprise, 2ème éd., Kluwer, 2005, p. 13.


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