Présentation des faits1
Le 20 octobre 1982, Madame B. donne mandat à l’Immobilière Groupe A, qui est en réalité Monsieur A., agent immobilier, de vendre pour son compte son immeuble.
Le mandat prévoit que Monsieur A. percevra une commission de 3% sur le prix de vente et que cette commission sera due même si l’immeuble est vendu après la fin du mandat, du moment qu’il est vendu à un client présenté par Monsieur A., ce dernier ayant à fournir une liste des candidats potentiels dans le mois de l’expiration du mandat.
Il est prévu en outre que le mandat est exclusif et d’une durée de 10 mois.
Le 17 mai 1983, un compromis de vente est signé avec Madame R, relativement à l’immeuble en cause dont le prix est fixé à 6.200.000 francs.
Le 19 mai 1983, Monsieur A. est déclaré d’office en faillite par le Tribunal de commerce de Namur.
Le 25 mai 1983, Madame B. a signé un acte sous seing privé comportant vente de son bien aux époux B-A pour la somme de 6.500.000 francs.
Le curateur a alors introduit une action en justice contre Madame B., et ce, afin de réclamer la commission qui était due à Monsieur A.
Madame B. est décédée le 13 avril 1985 et ses héritiers ont repris l’instance.
Décision de la Cour d’appel de Liège
Aux termes de l’article 2003 du Code civil, le mandat prend en principe fin par la faillite du mandataire.
Toutefois, la fin prématurée du mandat conféré à Monsieur A. n’efface pas l’exécution qui y a été apportée antérieurement.
Il convient de rappeler que le mandat de vente prévoyait qu’après l’expiration du mandat, la commission restait due lorsqu’un client présenté par Monsieur A. venait à acquérir l’immeuble et que la liste des amateurs suscités par l’activité de l’agence serait communiquée dans le mois de l’expiration du mandat.
Le mandat de vendre l’immeuble a été donné pour dix mois et aucune critique n’est articulée quant à la manière dont il aurait été exécutée du 20 octobre 1982 au 19 mai 1983, jour du jugement déclaratif de faillite.
Apparemment il semble que ce mandat ait produit certains fruits, puisqu’il a abouti au compromis signé par Madame R. ainsi qu’à un appel téléphonique des acquéreurs.
Le coup de téléphone donné à l’agence fait penser que c’est l’intervention de cette dernière et probablement sa publicité qui a révélé aux acquéreurs la mise en vente et les a amené à s’y intéresser. En éveillant leur intérêt, Monsieur A. est ainsi à l’origine de la réalisation de la vente.
La Cour d’appel constate qu’il est reproché au curateur de ne pas avoir recouru à la notification de la liste des amateurs après l’expiration du mandat.
En l’espèce, le curateur a pris connaissance de la signature du compromis du 25 mai 1983 par la lettre du notaire. A ce moment, la notification de la liste des amateurs n’était qu’une formalité vide d’intérêt et on ne peut tirer argument du fait que le curateur n’y ait point recouru.
La lettre du curateur du 31 mai, adressé au notaire dans le mois revendique pour l’agence le compromis de 6.200.000 francs et le contact avec les époux B.=A. et ajoute que la masse étend exercer ses droits.
On doit considérer que cette lettre est bien la dénonciation faite dans le mois des amateurs permettant de revendiquer la commission.
Toutefois, si on peut admettre que l’activité de l’agence a relancé l’intérêt de l’acquéreur, son rôle se limite à cela et il n’a donc été que partiel.
Le salaire du mandataire est réductible parce que le mandat est de son essence ou de sa nature gratuit.
La Cour d’appel de Liège considère par conséquent que la somme de 186.000 francs offerte par les appelants à titre subsidiaire est largement suffisante.
Bon à savoir
Il n'est pas rare que le contrat de courtage contienne une clause, aux termes de laquelle l'agent peut prétendre à une commission si le bien est vendu dans un certain délai après l'expiration du contrat de courtage, mais grâce aux prestations fournies par lui. Cette clause permet d'éviter que les vendeurs ne profitent du travail effectué par un agent immobilier sans devoir en payer le prix.
Même si l'agent immobilier peut valablement se prévaloir d'une telle clause, il faut encore qu'il démontre que ses conditions d'application soient réunies. Il lui appartient de prouver qu'il a effectivement traité avec l'acquéreur ou qu'il lui a « procuré des informations précises et individuelles » sur le bien mis en vente.
Ainsi, il a été jugé par le Tribunal de Tournai que la communication d'une liste d’amateurs permet généralement d'éviter toute contestation quant à l'intervention de l'agent immobilier dans le recrutement de l'acquéreur. Toutefois, la communication d'une longue liste de noms, éventuellement accompagnés d'un numéro de téléphone mais sans autre commentaire, ne suffit pas à établir que les conditions de la clause précitée sont réalisées. Un tel nombre de noms, qui apparaît hautement inhabituel pour un bien ordinaire, plaide plutôt en sens contraire. Ce genre de document laisse à penser qu'il s'agit plus d'une base de données que d'une liste de personnes, avec lesquelles l'agent immobilier est véritablement entré en contact et a réalisé des prestations à leur égard. Il en va autrement si l'agent peut se prévaloir d'un échange de courriers ou d'emails entre lui-même et l'acquéreur du bien2.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Liège, 26 avril 1988, J.LM.B., 1988, p. 1381.
2. Civ. Tournai, 7 février 2013, J.T., 2013/21, p. 404 ; Mons, 2 décembre 2008, J.L.M.B., 2009/24, p. 1124.