Présentation des faits1
Madame S., l’acheteuse, conclut un contrat de vente immobilière avec Monsieur A. et Madame B., les vendeurs.
Dans l’objet de la vente, ne figuraient pas le chemin d’accès à la propriété et la grille d’entrée.
Lorsque Madame S. se rend compte que ces parcelles sont toujours de la propriété des vendeurs, elle décide d’aller en justice afin que ces parcelles soient inclues dans l’objet de la vente.
Le tribunal de première instance d’Arlon n’ayant pas fait droit à sa demande, elle décide d’interjeter appel de cette décision.
Décision de la Cour d’appel
La Cour d’appel constate la bonne foi de Madame S., en ce qu’elle ait cru acheter les parcelles litigieuses.
En effet, tout candidat acheteur d'un tel bien normalement raisonnable et prudent aurait cru légitimement que la vente de l'immeuble portait sur le tout et comprenait notamment la parcelle contenant la grille d'entrée et le chemin d'accès.
La Cour rappelle que les vendeurs avaient l’obligation, comme tout vendeur normalement prudent et diligent, d’indiquer précisément que les parcelles litigieuses ne faisaient pas partie de la vente. Elle reconnaît le dol des vendeurs. Effectivement, ne pas inclure la grille d’entrée et le chemin d’accès, n’a comme seule explication que la volonté de tromper l’autre partie.
Concernant la responsabilité du notaire, la Cour constate que ce dernier n’est pas complice du dol des vendeurs mais estime qu’il a toutefois manqué à son devoir de conseil et d’information.
La Cour réforme donc le jugement rendu en première instance et condamne les vendeurs et le notaire à indemniser en numéraire Madame S.
Bon à savoir
L’article 1116 du Code civil définit le dol comme « une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. »
Le dol consiste donc en une discordance entre la volonté réelle et la volonté declarée provoquée par des manoeuvrees frauduleuses2.
Plus précisément, le dol est un vice de consentement qui comporte d’une part, un élément matériel qui peut se caractériser par un comportement actif (mensonges, manœuvres) ou passif (réticence dolosive) et d’autre part, un élément psychologique qui se caractérise par la volonté de tromper. Les moyens doivent émaner d’une des parties contractantes et avoir une influence sur le consentement pour entrainer la nullité de la convention3.
Dans le cadre de la vente d’immeuble, tout vendeur normalement prudent et diligent doit être de bonne foi et doit indiquer précisément les parcelles qui ne font pas partie de la vente.
Ainsi, ne pas inclure la grille d’entrée et le chemin d’accès, est constitutif de réticence dolosive (élément matériel) de la part des vendeurs et n’a comme seule explication que la volonté de tromper l’autre partie (élément psychologique).
La réticence dolosive consiste à cacher intentionnellement à l’autre partie un élément dont on a connaissance et qui peut influencer le consentement4.
Le notaire quant à lui, en vertu de son devoir de conseil et d'information, doit attirer l'attention des parties sur la portée et les effets de leurs engagements ainsi que sur leurs négociations5.
Il a aussi le devoir de fournir aux parties des renseignements très complets, non seulement sur les conditions de validité de l’acte qu’elles se proposent de passer, mais également sur son efficacité6. De plus, il a l’obligation de procéder à une désignation et une description du bien exacte et suffisante7.
Ainsi, le notaire manque à son devoir de conseil et d'information lorsqu'il n'attire pas l'attention de l'acheteur sur l'imprécision d’un compromis de vente dans lequel les parcelles contenant la grille d'entrée et l'accès à l'habitation ne sont pas inclues. En effet, cela implique une servitude de passage à charge du fond servant, restant la propriété du vendeur.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Liège, 20 octobre 2008, J.L.M.B., 2009/37, p. 1746.
2. P. VAN OMMESLAGHE, Droit des obligations, T. I.,Bruxelles, Bruylant, 2010, p. 247.
3. B. KHOL, La vente immobilière. Chronique de jurisprudence 1990-2010, Bruxelles, Larcier, 2012, pp. 114-115.
4. P. VAN OMMESLAGHE, Droit des obligations, T. I.,Bruxelles, Bruylant, 2010, p. 247.
5. Bruxelles, 6 mars 1995, Rev. Not. b., 1995, p. 22.
6. Mons, 2 mai 1991, J.T., 1991, p. 794; Civ. Neufchâteau, 30 juin 1983, J.L.M.B., 1983, p. 422.
7. Civ. Bruxelles, 7 juin 1989, R.G. 40842.