Présentation des faits1
En 2005, Monsieur A. est décédé. Il a laissé pour héritiers réservataires :
- Madame M.L., sa deuxième épouse ;
- Madame M. et Monsieur F.H., ses enfants nés d’une première union ;
- Monsieur A.H., son fils né d’une seconde union.
Le patrimoine successoral de Monsieur A. comprenait en pleine propriété une moitié indivise d’un immeuble. Cette succession a été dévolue de la manière suivante :
- A Madame M.L. : à concurrence de 1% en pleine propriété et la totalité en usufruit ;
- A Monsieur F.H. : à concurrence d’un quart en nue-propriété
- A Monsieur A.H. et Madame M., ensemble, à concurrence de trois quarts en nue-propriété.
Monsieur F.H. était par ailleurs propriétaire de l’autre moitié indivise de l’immeuble. Ce dernier est toutefois décédé en 2006 et a laissé pour héritiers ses trois enfants : D., F., et N.S.
L’immeuble était occupé par Madame M.L. et son fils, Monsieur A.H.
Une mission de mettre l’immeuble en vente a été confiée à la SPRL Y. Les époux D.-C. ont ensuite visité l’immeuble à plusieurs reprises. Le 17 avril 2007, ils ont émis une première offre d’achat pour le prix de 620.000 euros.
Le 18 avril 2007, ils ont émis une nouvelle offre d’acquéreur le bien pour le prix de 640.000 euros. Le même jour, Monsieur A.H. a envoyé un sms à son représentant, Monsieur M.H., lui donnant son « feu vert ». Toujours le même jour, Monsieur M.H. a signé en qualité de mandataire « pour accord ».
Dans la soirée du 19 avril 2007, les époux D.-C. se sont par ailleurs rendus chez Monsieur A.H. et Madame M.L., à la demande de ceux-ci. Ces derniers ont demandé aux époux D.-C. de « renoncer » à l’achat de l’immeuble.
Les époux D.-C. ont ensuite payé un acompte de 64.000 euros. Monsieur A.H. et Madame M.L. ont refusé de se présenter chez le notaire pour signer le compromis de vente en date du 30 avril 2007. Ils contestent en effet avoir consenti à la vente, de sorte que celle-ci n’a pas été valablement conclue.
Au mois de juin 2007, les époux D.-C. ont sollicité la condamnation de N.S., de Madame M.L., de Monsieur A.H. et de D. à la passation de l’acte authentique d’achat de l’immeuble pour le prix de 640.000 euros.
Par un jugement rendu le 3 avril 2008, le tribunal a déclaré que la vente en question était intervenue au moment de l’acceptation de l’offre émise par les époux D.-C. par M.H., pour le prix de 640.000 euros et a condamné les indivisaires à comparaître devant le notaire afin de signer l’acte authentique de vente.
Madame M.L. a interjeté appel de ce jugement. Celle-ci demande à ce que la vente ligitieuse soit déclarée nulle.
Décision de la Cour d’appel de Bruxelles
La Cour estime qu’en l’espèce, la décision de mettre en vente l’immeuble et de confier à la SPRL Y. la mission de rechercher des acquéreurs potentiels doit s’analyser comme un appel d’offres de la part des indivisaires.
Toutefois, la Cour constate en l’espèce que les parties étaient encore dans la phase de négociations préalables à la conclusion du contrat de vente. La Cour observe également que l’offre n’était ni définitive ni ferme, et que les parties ne s’étaient pas encore entendues sur le contenu du compromis de vente, sur les modalités de paiement du prix et sur la délivrance du bien, lorsque M.H. a accepté l’offre.
Par conséquent, la Cour considère que la vente n’a pas été conclue suite à l’acceptation par M.H. de l’offre émise par les époux D.-C. puisqu’à ce stade aucun accord n’était intervenu sur les éléments substantiels du contrat.
La Cour décide dès lors qu’il n’y a pas lieu d’ordonner aux indivisaires de passer l’acte authentique.
Bon à savoir
Conformément à l’article 1583 du Code civil, la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès que les parties se sont convenues de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé.
A côté des éléments essentiels que sont la chose et le prix, d’autres éléments substantiels peuvent parfois s’ajouter2. Il s’agit d’élément que les parties décident de considérer comme essentiels, bien qu’ils ne soient pas vus comme tels juridiquement. A cet égard, il est important que ces éléments aient été négociés par les parties3.
C’est pourquoi, afin de savoir si une vente immobilière a été conclue, il est important, non seulement de vérifier si les parties se sont accordées sur la chose et le prix, mais également sur les éléments qu’elles ont considéré comme substantiels4.
Dans l’arrêt analysé ainsi que dans un arrêt du 18 novembre 2011, la Cour d’appel de Bruxelles a refusé de voir une vente dans l’acceptation d’une offre comprenant uniquement la chose et le prix5.
Il est permis de déduire de cette jurisprudence que les parties doivent marquer leur accord sur les éléments essentiels que sont la chose et le prix, sur les éléments qu’elles ont considérés comme étant substantiels, mais également sur les éléments substantiels considérés comme tels par la nature même de la vente immobilière, à savoir le paiement du prix, le transfert de propriété ainsi que la situation urbanistique du bien.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Bruxelles, 23 juin 2011, TBO, 2013, liv. 4, p. 180.
2. Liège, 28 novembre 2011,arrêt n° F-20111128-6 (2010/RG/2006) www.juridat.be.
3. Voyez : B. KOHL, D. GRISARD, F.ONCLIN, A. RIGOLET, R. SALZBURGER., « Section 3 - La formation du contrat de vente » in Chroniques notariales – Volume 62, Bruxelles, Éditions Larcier, 2015, p. 210-284.
4. Civ. Tongres, 15 octobre 2010, Limb. Rechtsl. 2012, liv. 4, p. 297, note R. Broekmans.
5. Bruxelles, 18 novembre 2011, T.B.O., 2013, p. 185.