Présentation des faits1
Les époux A sont propriétaires d’un immeuble joignant le terrain sur lequel les époux B ont entrepris la construction de leur habitation.
Le 26 avril 2010, un état des lieux du mur pignon mitoyen est de l'immeuble des époux A a été réalisé contradictoirement par les parties avant les travaux de construction.
Les époux B ont soumis aux époux A une convention de non-reprise de mitoyenneté, démontrant ainsi l'absence de volonté d'acquérir la mitoyenneté du mur litigieux.
Aucun accord n'étant intervenu sur le rachat de la mitoyenneté, les époux A ont lancé citation le 12 octobre 2010 aux fins d'entendre condamner les défendeurs au paiement d'une somme provisionnelle d'un euro à titre de reprise de la mitoyenneté du mur privatif de leur immeuble et désigner un expert-architecte avec mission d'évaluer le prix du rachat de cette mitoyenneté.
Un jugement du 18 novembre 2010 a ordonné une vue des lieux en compagnie de l'expert. Celui-ci a constaté l'absence de contact entre les maçonneries.
Décision du juge de paix
Le juge de paix rappelle l’article 661 du code civil qui permet, à certaines conditions, de contraindre son voisin à acquérir la mitoyenneté d'un mur séparatif privatif.
Ainsi, l'acquisition forcée de la mitoyenneté ne peut avoir lieu que lorsque et dans la mesure où le voisin utilise le mur de manière telle qu'il en usurpe la possession et où il a l'intention d'en acquérir la mitoyenneté.
Le juge considère que le placement d'un isolant entre les murs constitue une mesure utile pour prévenir tous problèmes d'humidité et ne constitue pas une prise de possession pouvant fonder une acquisition forcée de la mitoyenneté.
Dès lors, le juge décide qu’en l’espèce, les conditions d'application de l'article 661 du code civil ne sont pas réunies et déclare l’action recevable mais non fondée.
Bon à savoir
L’article 661 du Code civil prévoit que « tout propriétaire joignant un mur, a de même la faculté de le rendre mitoyen en tout ou en partie, en remboursant au maître du mur la moitié de sa valeur, ou moitié de la valeur de la portion qu’il veut rendre mitoyenne, et moitié de la valeur du sol sur lequel le mur est bâti »2.
L'acquisition forcée de la mitoyenneté ne peut avoir lieu que lorsque et dans la mesure où le voisin utilise le mur de manière telle qu'il en usurpe la possession et où il a l'intention d'en acquérir la mitoyenneté3.
Il faut qu’il refuse de mettre fin à sa prise de possession du mur. Pour faciliter la constatation de cette condition, la jurisprudence considère que les actes de prise de possession font présumer, sauf preuve contraire, l’intention d’acquérir la mitoyenneté. Cependant, si la volonté peut être implicite, elle doit être certaine et non équivoque4.
Au vu de la jurisprudence, il peut parfois s'avérer délicat de déterminer ce qui constitue une usurpation ou voie de fait valant prise de possession dont on pourra déduire la volonté d'acquérir la mitoyenneté en cas de refus d'y mettre un terme. Ceci est d'autant plus vrai lorsque la construction érigée par le voisin n'a qu'un contact infime, voire aucun contact, avec le mur séparatif privatif5.
À plusieurs reprises la Cour de cassation affirme que le simple fait qu'il soit fait usage des fonctions essentielles du mur préexistant n'implique pas une prise de possession de ce mur. Elle s'écarte de la théorie émise par l'ingénieur-architecte Declercq à laquelle se réfèrent certaines juridictions de fond6.
Ainsi, la prise de mesures, comme la pose d’un isolant entre deux murs, visant à prévenir tout problème d’humidité ne constitue pas une prise de possession pouvant fonder une acquisition forcée prévue par l’article 661 du Code civil.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Justice de paix de Saint-Nicolas, 13 octobre 2011, J.L.M.B., 2013/8, p. 509-510.
2. Article 661 du Code civil.
3. Justice de paix Saint-Nicolas, 13 octobre 2011, J.L.M.B., 2013/8, p. 509-510.
4. P.-P., RENSON, « Les clés de l’acquisition forcée de la mitoyenneté », J.L.M.B., 2006/13, p. 569.
5. Justice de paix Saint-Nicolas, 13 octobre 2011, J.L.M.B., 2013/8, p. 509-510.
6. P. LECOCQ, Chronique de jurisprudence en droit des biens, Formation permanente CUP, vol. 104, 2008, Liège, Anthemis, pp. 195 et s. ; N. VANDERWEERD, « Questions choisies de droit des biens », Chronique de droit à l'usage des juges de paix et de police, 2004, cahier n° 43, pp. 53 et s.