Présentation des faits1
Par convention du 25 avril 1995, les époux A ont cédé aux époux B la mitoyenneté du mur latéral de leur habitation, à l'exception des annexes, pour le prix de quatre-vingt mille francs.
Les époux B ont érigé des constructions qui s'appuient également sur les annexes de leur immeuble, indiquant ainsi leur volonté de s'approprier la mitoyenneté de ce mur.
Cependant les époux B ont contesté qu'il y a eu prise de possession dudit mur.
Les époux A ont dont introduit une action devant le juge de paix afin de forcer les époux B au rachat de la mitoyenneté.
Décision du juge de paix
Le juge de paix rappelle l’article 661 du code civil qui prévoit que "Tout propriétaire joignant un mur, a de même la faculté de le rendre mitoyen en tout ou en partie, en remboursant au maître du mur la moitié de sa valeur, ou moitié de la valeur de la portion qu'il veut rendre mitoyenne, et moitié de la valeur du sol sur lequel le mur est bâti2".
Le juge constate que le code civil ne prévoit pas la possibilité de contraindre son voisin à racheter la mitoyenneté d'un mur mais, par contre, il autorise le propriétaire d'un mur, lorsque son voisin use de ce mur privatif, à faire démolir les ouvrages entrepris indûment.
Selon le juge, il résulte de la vue des lieux que l'arrière du bâtiment des époux B «semble» prendre appui sur le mur de l'annexe de l'immeuble des époux A.
Ainsi, le juge considère que les époux B tirent de cette situation un avantage économique évident révélant leur volonté de s'approprier la mitoyenneté3.
Dès lors, le juge condamne les époux B à payer la valeur entière de la moitié du mur séparatif de l'annexe.
Bon à savoir
L’article 661 du code civil prévoit que "Tout propriétaire joignant un mur, a de même la faculté de le rendre mitoyen en tout ou en partie, en remboursant au maître du mur la moitié de sa valeur, ou moitié de la valeur de la portion qu'il veut rendre mitoyenne, et moitié de la valeur du sol sur lequel le mur est bâti4".
Cette possibilité pour le propriétaire d'un mur séparatif de deux héritages de contraindre son voisin à acquérir la mitoyenneté de ce mur suppose que le voisin commette une usurpation ou une voie de fait valant prise de possession dudit mur, et à laquelle le propriétaire de celui-ci puisse s'opposer5.
La Cour suprême indique plus précisément qu'il faut que cette prise de possession revête un caractère tel qu'à défaut pour son auteur d'y mettre fin, la volonté de celui-ci d'acquérir la mitoyenneté du mur s'en déduise sans équivoque6.
Pour faciliter la constatation de cette condition, la jurisprudence considère que les actes de prise de possession font présumer, sauf preuve contraire, l’intention d’acquérir la mitoyenneté. Cependant, si la volonté peut être implicite, elle doit être certaine et non équivoque7.
Au vu de la jurisprudence, il peut parfois s'avérer délicat de déterminer ce qui constitue une usurpation ou voie de fait valant prise de possession dont on pourra déduire la volonté d'acquérir la mitoyenneté en cas de refus d'y mettre un terme. Ceci est d'autant plus vrai lorsque la construction érigée par le voisin n'a qu'un contact infime, voire aucun contact, avec le mur séparatif privatif8.
À plusieurs reprises, la Cour de cassation affirme que le simple fait qu'il soit fait usage des fonctions essentielles du mur préexistant n'implique pas une prise de possession de ce mur9.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Justice de paix Marchienne-au-Pont, 02 octobre 1998, J.L.M.B., 1999/11, p. 467-470.
2. Article 661 du code civil.
3. Cass., 1ère ch., 19 février 1983, Pas., 1983, 692, Entr. et dr., 1990, p. 101.
4. Article 661 du code civil.
5. Cass., 2 juin 1977, J.T., 1978, p. 101 ; Justice de paix Saint-Nicolas, 13 octobre 2011, J.L.M.B., 2013/8, p. 509-510.
6. Cass., 2 juin 1977, J.T., 1978, p. 101.
7. P.-P., RENSON, « Les clés de l’acquisition forcée de la mitoyenneté », J.L.M.B., 2006/13, p. 569.
8. Justice de paix Saint-Nicolas, 13 octobre 2011, J.L.M.B., 2013/8, p. 509-510.
9. P. LECOCQ, Chronique de jurisprudence en droit des biens, Formation permanente CUP, vol. 104, 2008, Liège, Anthemis, pp. 195 et s. ; N. VANDERWEERD, « Questions choisies de droit des biens », Chronique de droit à l'usage des juges de paix et de police, 2004, cahier n° 43, pp. 53 et s.