Présentation des faits1
La société P a entrepris la construction d'un immeuble à appartements. Le projet immobilier a été érigé sur le fonds contigu au terrain et à la maison commerciale des époux G.
Suite aux travaux de terrassements, les époux G ont déclaré subir des dommages à leur immeuble et ont postulé la désignation d'un expert. Par une ordonnance du 14 avril 2009, le Tribunal de première instance a désigné l'expert S. afin qu'il constate et décrive les éventuels dégâts qui affecteraient, suite auxdits travaux, l'immeuble des époux G.
Les époux G ont soutenu que la société P s'est appuyée sur leur mur et qu’elle a refusé le rachat de la mitoyenneté.
Par jugement du 8 décembre 2009, le Tribunal de première instance, siégeant en référé, a désigné l'expert S., en vue de relever les données techniques, usurpation, voie de faits, valant ou non prise de possession du mur, et donner son avis s'il y a lieu ou pas à acquisition de la mitoyenneté par la Société P.
Devant le premier juge, les époux G ont sollicité la condamnation de la société P au rachat de la mitoyenneté.
Par jugement rendu le 5 mars 2012, le tribunal de première instance de Huy a débouté les époux G de leur demande de rachat de mitoyenneté.
Dès lors, par requête du 5 avril 2012, les époux G ont interjeté appel du jugement rendu en première instance et ont sollicité la condamnation de la société P au rachat de la mitoyenneté.
Décision de la Cour d’appel
La Cour d’appel rappelle tout d’abord l’article 661 du code civil qui prévoit que « Tout propriétaire joignant un mur, a de même la faculté de le rendre mitoyen en tout ou en partie, en remboursant au maître du mur la moitié de sa valeur, ou moitié de la valeur de la portion qu'il veut rendre mitoyenne, et moitié de la valeur du sol sur lequel le mur est bâti »2.
La Cour rappelle également qu’il faut une usurpation matérielle et effective, peu importe que la société P profite des avantages inhérents à la proximité immédiate du mur voisin.
La Cour constate que le rapport de l'expert S. n'établit pas l'existence d'une usurpation ou une voie de fait valant prise de possession. En effet, selon ledit rapport, tout démontre que le nouveau bâtiment de la société P est en tout point autonome quant à sa stabilité.
La Cour considère donc que même si le mur litigieux était privatif, il n'y a de toute façon pas eu une usurpation ou voie de fait valant prise de possession du mur des époux G par la société P.
Dès lors, la Cour déclare l’appel des époux G recevable mais non fondé et confirme le jugement entrepris en première instance.
Bon à savoir
L’article 661 du code civil prévoit que « Tout propriétaire joignant un mur, a de même la faculté de le rendre mitoyen en tout ou en partie, en remboursant au maître du mur la moitié de sa valeur, ou moitié de la valeur de la portion qu'il veut rendre mitoyenne, et moitié de la valeur du sol sur lequel le mur est bâti »3.
Cette disposition ne vise expressément que la vente forcée de la mitoyenneté; la doctrine et la jurisprudence considèrent cependant que cette disposition permet à certaines conditions de forcer son voisin à acquérir la mitoyenneté d'un mur séparatif privatif4.
La Cour suprême a déclaré que le droit pour un propriétaire d’un mur privatif de forcer son voisin au rachat de la mitoyenneté, suppose que ce voisin usurpe le mur ou commette une voie de fait valant prise de possession et à laquelle le propriétaire du mur ne puisse s'opposer. De plus, elle a déclaré que cette prise de possession doit revêtir un caractère tel qu'à défaut pour son auteur d'y mettre fin, la volonté de celui-ci d'acquérir la mitoyenneté du mur s'en déduise sans équivoque5.
Cependant, le propriétaire d'un mur de séparation privatif peut demander le rachat de la mitoyenneté à son voisin lorsque celui-ci l'utilise d'une manière telle qu'il en usurpe la copossession et viole le droit de propriété privatif et qu'il ne peut raisonnablement poursuivre pareille utilisation sans avoir la volonté implicite de rendre le mur mitoyen. Ainsi, le fait que le voisin tire un avantage du mur préexistant ne constitue pas une telle usurpation6.
Ainsi, lorsqu’un voisin est poursuivi quant au rachat de la mitoyenneté, et que le rapport d’expertise démontre que son bâtiment est en tout point autonome quant à sa stabilité, l’usurpation n’est pas démontrée, et il ne pourrait être poursuivi.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Cour d'appel de Liège, 31 mai 2013, arrêt n° F-20130531-6 (2012/RG/545).
2. Article 661 du code civil.
3. Article 661 du code civil.
4. Cour d'appel de Liège, 31 mai 213, arrêt n° F-20130531-6 (2012/RG/545).
5. Cass. 28.06.2001, Pas., 2001, I, p. 1254.
6. Cass. 04 décembre 2003, n° rôle C020571N; Cass. 04 mars 2005, J.L.M.B., 2006, p. 564.