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DROIT IMMOBILIER

BAIL

20 Novembre 2015

Tribunal civil de Neufchâteau - Article 1 de la loi sur le bail de résidence principale

Tribunal civil de Neufchâteau - Article 1 de la loi sur le bail de résidence principale

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Présentation des faits1

La SPRL X, par convention signée le 27 juin 1995, a pris en location un immeuble à usage commercial sis à Carlsbourg;

L'article 2 du contrat prévoit que les lieux sont loués en vue d'y exploiter une maison de repos.

La SPRL X a ensuite signé avec Monsieur J. une convention d’hébergement, en vertu de laquelle celui-ci occupait une chambre de l’immeuble, moyennant une contribution financière de 8.000, 00 francs par mois.

Dès le 28 juillet 1995, la SPRL X qui a repris le fonds de commerce exploité jusque lors par le propriétaire de l'immeuble, a notifié à Monsieur J. la résiliation « de la convention d'hébergement».

Monsieur J. a toutefois refusé de quitter les lieux.

La SPRL X a alors saisi le juge de paix, lequel a considéré que Monsieur J. pouvait bénéficier de la protection instaurée par la loi du 20 février 1991.              

La SPRL X a, alors, interjeté appel de ce jugement.                                                                                                    

Décision du tribunal civil de Neufchâteau

Le tribunal civil de Neufchâteau constate tout d’abord qu’il n'existe aucun écrit relatif au mode d'occupation, de sorte qu’il y a lieu, sur la base des éléments de fait, de déterminer les relations juridiques entre les parties.

Il relève préalablement que dans le contrat de bail commercial conclu entre le propriétaire de l'immeuble et la SPRL X, il n'est fait mention d'aucune restriction relative à la location d'une chambre qui rentrerait dans le champ d'application de la loi du 20 février 1991.

Si une pièce du bâtiment avait été louée sur la base de cette disposition légale, elle ne pourrait pas être louée une seconde fois à une autre personne.

Attendu, dès lors, que dans l'esprit du bailleur, il n'existait entre lui-même et Monsieur J. aucun contrat de location soumis à la loi sur les baux à loyer portant sur la résidence principale.

Par ailleurs, s'il apparaît que Monsieur J. est hébergé de manière habituelle dans l'immeuble loué par la SPRL X et y a même fixé sa résidence principale, la loi du 20 février 1991 ne s'applique pas pour autant ;

En effet, même lorsque le critère de résidence principale est vérifié, la loi ne s'applique cependant pas dans différents cas, notamment au contrat procurant à la fois la jouissance d'un immeuble et des services d'hôtellerie ou de soins («Le bail de la résidence principale», GUY ROMMEL, in J.J.P., 1992, p. 267 et références y citées);

En l’espèce, Monsieur J. est hébergé dans une maison de repos;

Dans un tel établissement, y sont donnés, outre le gîte, le couvert et les soins. En contrepartie de cet hébergement, Monsieur J. versait une somme de huit mille francs par mois;

En outre, il résulte des attestations figurant au dossier de l'appelante que Monsieur J. y prend des repas. Monsieur J. effectuait également certains petits travaux au profit de l'ancien exploitant lorsque celui-ci dirigeait la maison de repos.

Le tribunal civil estime que les prestations en nature et en espèce ainsi fournies par Monsieur J. dépassaient largement, ce qui pouvait décemment être réclamé pour la seule occupation d'une chambre sans autres avantages. Ces prestations étaient en effet plus proches de ce qui est demandé à tout résident qui bénéficie des divers services que de ce qui pouvait être dû par un simple locataire.

Enfin, jusqu'au mois de décembre 1995, sur les bulletins de virement au moyen desquels Monsieur J. versait la somme mensuelle de huit mille francs, est indiqué le mot «hébergement» à la rubrique communication. Le terme «loyer» n'est apparu pour la première fois que lors du versement du 8 décembre 1995 alors que l'affaire avait été introduite devant la justice de paix.

Le tribunal considère que selon ces différents éléments,  Monsieur J. a été accueilli dans la maison de repos, non pas comme locataire mais comme résident qui bénéficie des services mis à la disposition de tous par l'exploitant. Les relations entre parties sont donc réglées par la législation relative à la gestion des homes pour personnes âgées.

Le tribunal précise qu’il est sans incidence, au niveau de l'application de la loi, que l'hébergement de Monsieur J. ait eu lieu sans respecter celle-ci, de sorte que c’est à bon droit que la SPRL X s'est fondée sur ces dispositions légales pour mettre fin à la convention qui la liait à l'intimé.

Par ailleurs, le fait que la SPRL X ait adressé ultérieurement un congé à Monsieur J. sur la base de la loi du 20 février 1991 n'implique pas une reconnaissance dans son chef de l'application de cette disposition légale à la convention litigieuse. En effet, elle a adressé ce congé à titre conservatoire, sous toutes réserves et en rappelant expressément qu'elle conteste l'application de cette loi.

Par conséquent, le tribunal civil de Neufchâteau décide qu’il y a lieu de réformer le jugement du juge de paix.

Bon à savoir

La décision commentée vise le cas des contrats mixtes, dont il s’est posée en doctrine la question de savoir si ce type de contrats tombe ou non dans le champ d’application de la loi sur le bail de résidence principale.  

Par « contrat mixte », il y a lieu d’entendre la location d’un immeuble avec services, comme  la location d’un appartement à titre résidentiel dans une seigneurie, dans un hôtel ou une maison de repos2.

Face à ce genre de contrats, le juge, pour déterminer la qualité du contrat, tiendra compte de l’importance des services assurés par l’occupant, et ce, par application de la règle « l’accessoire suit le principal ». Lorsque de tels services sont prépondérants, le contrat sera qualifié autrement qu’un bail de résidence principale3. Dans le cas inverse, il sera question d’un bail à loyer.

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque. 

_______________ 

1. Tribunal civil Neufchâteau, 16 octobre 1996, J.L.M.B., 1997/02 p. 68

2. Y. NINANE et C. EYBEN, « [Bail de résidence principale]. Le champ d’application de la loi : panorama et incertitudes », in Le bail de résidence principale, Bruxelles, La Charte, 2006, p. 91.

3. Rapport de la Commission de la Justice du Sénat (Rapport VAN ROMPAEY), Doc. parl., Sénat, sess. 1990-1991, n°1190/2, p. 61 ; J. HERBOTS, « Algemeenheden – De levering in goede staat », in Woninghuur en niew algemeen huurrecht, Bruges, Die Keure, 1991, p. 30, n°13 ; Questions du député BREYNE, Doc. parl., Chambre, sess. 1992-1993, n°31, p. 2097 ; Anvers, 11 avril 1990, R.D.C.B., 1994, p. 120, avec note B. HUBEAU, « De kwalificatie van overeenkomsten in het kader va de bejaardenhuisvesting » ; J.P. Anvers, 17 octobre 1996, J.J.P., 1997, p. 326. 


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