Toggle Menu

PETOFMA VERSION
2 Avocat(s) expérimenté(s)
en Droit immobilier
en Droit immobilier

DROIT IMMOBILIER

BAIL

6 Novembre 2015

Justice de Paix de Tournai - Article 1 de la loi sur le bail de résidence principale

Justice de Paix de Tournai - Article 1 de la loi sur le bail de résidence principale

Cette page a été vue
183
fois
dont
3
le mois dernier.

Présentation des faits1

Le 6 septembre 2000, Monsieur R a conclu une convention de bail avec Madame et Monsieur V, aux termes de laquelle ces derniers ont donné en location à Monsieur R le studio numéroté 3 d'un immeuble sis à Tournai, moyennant le paiement d'un loyer mensuel de 8.750 francs, outre une provision pour charges communes de 1.200 francs par mois.

Par arrêté du 2 octobre 2000 (et non du 5 octobre comme erronément stipulé en requête), le bourgmestre de la ville de Tournai a toutefois interdit l'habitation de ce logement faute pour Madame et Monsieur V d'être titulaires du permis de location institué par l'article 10 du code wallon du logement.

Monsieur R. a dès lors sollicité en justice, à titre principal, la résiliation du contrat litigieux à la date du 1er octobre 2000, de même que la condamnation de Madame et Monsieur V. à lui restituer la somme de 78.750 francs correspondant aux loyers réglés à compter de cette date, et la réduction à 4.375 francs de l'échéance du mois de septembre 2000.

A titre subsidiaire, il a sollicité la résolution judiciaire du contrat de bail aux torts de Madame et Monsieur V et la réduction du loyer à 50% du montant contractuel, tout en poursuivant la condamnation des intéressés au paiement d'une somme de 26.250 francs à titre de dommages et intérêts.

Attendu qu'à titre principal, les défendeurs contestent la demande originaire au motif, d'une part, que le demandeur n'étant pas domicilié dans le studio loué, celui-ci ne constituerait pas sa résidence principale et ne devait dès lors pas être couvert par un permis de location, et à raison, d'autre part, de ce que la non-délivrance du permis de location serait indépendante de leur volonté et ne serait que la conséquence de manœuvres orchestrées par la ville de Tournai et la Région wallonne;

Que, tout en soutenant subsidiairement qu'il n'y a en toute hypothèse lieu ni à restitution ni à réduction des loyers payés par leur locataire, ils sollicitent reconventionnellement son expulsion immédiate du bien, et sa condamnation au paiement des sommes de 59.520 francs au titre de frais de remise en état des lieux, et de celles de 13.500 francs et de 3.400 francs à titre d'arriérés de loyers et de charges;

Décision du juge de paix de Tournai

Sur la notion de résidence principale

L'examen du litige dont est saisi le juge de paix de Tournai impose que soit en premier lieu réglée la question de savoir si le studio donné en location à Monsieur R constitue bien sa résidence principale, auquel cas les dispositions du Code wallon du logement pourraient trouver à s'appliquer.

A ce propos, Monsieur R a précisé que sa domiciliation dans les lieux loués lui a été refusée par l'administration communale de Tournai, en raison précisément de ce que Monsieur et Madame V n'étaient pas couverts par un permis de location.

Le juge de paix rappelle, en outre, que le législateur de 1991 (loi du 20 février 1991) n'a pas voulu assimiler la résidence principale du preneur au lieu de son inscription aux registres de la population, et que l'affectation à la résidence principale est une question de pur fait laissée à l'appréciation du juge.

Au vu des éléments qui lui sont soumis,  le juge de paix est amené à considérer que le studio litigieux constitue bien la résidence principale de Monsieur R, qui le prit en location à titre résidentiel exclusivement, tandis que de l'aveu même de Monsieur et Madame V, il y a bel et bien eu jouissance et occupation des lieux.

L’argumentation essentielle de Monsieur et Madame V, qui tourne précisément autour des conditions d'octroi du permis de location dont ils ne sont pas titulaires, est du reste incompatible avec leur moyen tiré du défaut de domiciliation de Monsieur R. dans les lieux loués, et donc de l'inapplicabilité du décret régional wallon du 29 octobre 1998.

Il y a dès lors lieu de considérer que le logement qui a été donné en location à Monsieur R constitue bien sa résidence principale.

Sur le défaut de permis de location 

Vu le constat posé, le juge de paix de Tournai considère que la location litigieuse tombe bien dans le champ d'application des articles premier et 9 à 13 du code wallon du logement, lesquels stipulent que pour donner en location à titre de résidence principale un logement collectif situé dans un bâtiment existant depuis au moins vingt ans, le bailleur doit être titulaire d'un permis de location délivré par le collège des bourgmestre et échevins.

Le juge de paix précise que ces dispositions touchant à la défense d'intérêts d'ordre général, elles sont d'ordre public et peuvent dès lors, le cas échéant, être soulevées d'office par le juge. Il s'ensuit que, par application de l'article 6 du code civil, la violation du décret précité implique la nullité du bail2.

En l'espèce, il est constant qu'au jour de la conclusion du bail, les défendeurs ne disposaient pas du permis de location imposé par le code wallon du logement, tandis qu'ils admirent à l'audience que ce permis ne leur a toujours pas été délivré. Le bail litigieux était, par conséquent, nul dès sa conclusion. 

Se pose dès lors la question de savoir si les défendeurs sont tenus à la restitution des loyers réglés par leur locataire à compter du 1er  septembre 2000.

A cet égard, le juge de paix estime que si la nullité implique la restitution des prestations réciproques (du bailleur et du locataire), le preneur pourrait difficilement restituer la jouissance qu'il a eue de la chose louée. Elle sera remplacée par une indemnité d'occupation que le juge fixera en tenant compte de l'état du bien.

En l’espèce, le bien était loin de se trouver dans l'état vanté par Monsieur et Madame V, et que le loyer contractuellement fixé était excessif.

Dans ces conditions, il paraît équitable de fixer l'indemnité d'occupation à la somme mensuelle de 5.000 francs, charges comprises. Cette indemnité sera due pour toute la période d'occupation du bien, l'arrêté d'inhabitabilité du 2 octobre 2000 n'ayant pu avoir pour effet de dissoudre un contrat nul dès son origine, ni de dispenser le demandeur originaire de payer une contrepartie à son occupation des lieux.

Le fait que le bail fut nul dès l'origine, faute d'être couvert par un permis de location, amène le juge de paix à accueillir le volet de la demande reconventionnelle tendant à ordonner l'expulsion du défendeur sur reconvention.  La nullité dont le contrat est de la sorte frappé a en effet pour conséquence de priver le locataire de son droit à la jouissance du bien. Il sera, par conséquent, condamné à le libérer endéans le mois de la signification du présent jugement, sous peine de s'en faire expulser;

Enfin, en raison des considérations qui précèdent quant à la nullité du contrat, le juge de paix de Tournai est amené à rejeter la demande de condamnation du locataire aux arriérés de charges, fixés à 3.400 francs. Cette réclamation n'est, au demeurant, étayée par aucune pièce justificative incontestable.

Bon à savoir

Pour pouvoir tomber sous l’application de la loi sur le bail de résidence principale, le bail doit notamment porter sur un logement que le preneur affecte à sa résidence principale.

La loi-programme du 24 décembre 20023 a  défini le logement comme un « bien meuble ou immeuble ou une partie de celui-ci qui est destinée à la résidence principale du locataire ». Désormais, les locataires de bateaux, caravanes4, chalets et autres logements mobiles bénéficient de la protection de la loi, de même que les locataires d’emplacements dans un terrain de camping.

Le caractère meublé ou non du logement importe peu5.

La notion de résidence principale, contrairement à celle de logement, ne fait pas d'objet d'une définition légale. La doctrine l'a définie comme logement dans lequel habitent effectivement et habituellement le preneur et sa famille6. La résidence principale du preneur est, en d'autres termes, l'endroit où celui-ci a installé « son chien, ses pantoufles et sa pipe »7

L'inscription au registre de la population constitue un indice parmi d'autres de l'affectation du bien à la résidence principale du preneur8, mais elle n'est pas requise9 et n'est pas déterminante10.

Il s'agit d'une question de fait11 qui peut être rapportée par toutes voies de droit. Parmi ces éléments, on peut citer notamment les factures portant sur les consommations d'eau, de gaz et d'électricité12, la correspondance envoyée régulièrement à l'adresse en question13 ou encore la présence du locataire dans les lieux durant la nuit14. Cette condition est laissée à l'appréciaton du juge de fond15.

 

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

________________

1. J.P. Tournai, 4 septembre 2001, J.L.M.B., 2002, p. 513.

2. Civ. Nivelles, 27 octobre 2000, Le Cri, n° 251 de février 2001, p. 7; J.P. Tournai (1er canton), 3 janvier 2001, R.G. 004675, inédit.

3. Art. 377, Loi-programme (I) du 24 décembre 2002, M.B., 31 décembre 2002, p. 58686.

4. J.P. Westerlo, 3 juillet 2006, Huur, 2008, p. 134.

5. N. VERHEYDEN-JEANMART, « La loi du 20 février 191 modifiant et complémentant les dispositions du Code civil relatives aux baux à loyer. Champ d’application et durée du bail », in La nouvelle règlementation des baux à loyer. Loi du 20 février 1991, Bruxelles, Bruylant, 1991, p. 36.

6. J.-M. LETHIER, « Le bail de résidence principale », in Guide de droit immobilier, t. II, Bruxelles, Kluwer, 1997, p. III.2.2-1 ; M. DAMBRE et B. HUBEAU, Woninghuur, Antwerpen, Kluwer, p. 126 ; J.P. Hamoir, 3 janvier 1995, J.L.M.B., 1995, p. 1660 ; comp. J.P. Wavre, 3 janvier 1991, J.T., 1991, p. 587 ; J.P. Binche, 25 novembre 2004, J.L.M.B., 2006, p. 386 ; J.P. Brasschaat, 6 juin 2000, R.W., 2003-2004, p. 992.

7. J. HERBOTS, « Algemeenheden – De levering in goede staat », in Woninghuur en nieuw algemeen huurrecht, Brugge, Die Keure, 1991, p. 23 ; V. D’HUART, « Le domicile », in Rép. not., t. I, l. VII, éd. 2001, nos 5, 12, 35, 37 et 46.

8. J.P. Brasschaat, 6 juin 2000, R.W., 2003-2004, p. 992, qui s’en tient à ce critère.

9. J.P. Tournai (2ème canton), 4 septembre 2001, J.L.M.B., 2002, p. 513.

10. L. HERVE, « La durée du bail de résidence principale », in Le bail de résidence principale, Bruxelles, La Charte, 2006, p. 62 ; J.P. Saint-Trond, 5 octobre 1999, Huur, 2000/01, p. 20.

11. J.P. Tournai, 4 septembre 2001, J.L.M.B., 2002, p. 513.

12. J.P. Paliseul, 13 novembre 1991, J.L.M.B., 1993, p. 1159 ; J.P. Binche, 25 novembre 2004, J.L.M.B., 2006, p. 386.

13. J. VANKERCKHOVE, « Introduction générale, champ d’application et durée des baux au regard des lois des 20 février et 1er mars 1991 relatives aux baux de résidence principale », in Baux à loyer – Bail de résidence principale et droit commun, Bruges, La Charte, 1991, pp. 75 et s.

14. J.P. Saint-Trond, 5 octobre 1999, Huur, 2000/01, p. 20.

15. L. HERVE, « La durée du bail de résidence principale », in Le bail de résidence principale, Bruxelles, La Charte, 2006, pp. 62-63 ; J.P. Tournai, 4 septembre 2001, J.L.M.B., 2002, p. 513.


Request URI: /jurisprudence/droit-immobilier/bail/justice-de-paix-de-tournai---article-1-de-la-loi-sur-le-bail-de-residence-principale
Query String: type=article&url=justice-de-paix-de-tournai---article-1-de-la-loi-sur-le-bail-de-residence-principale&page=justice-de-paix-de-tournai---article-1-de-la-loi-sur-le-bail-de-residence-principale&rub=droit-immobilier&sousrub=bail&tpl=juris
Execution time: 0.058844089508057