Présentation des faits1
Le 1er décembre 2010, un acte authentique de vente, portant sur un immeuble grevé d’un bail, a été signé par l’acheteur.
L’acte authentique comportait une clause libellée comme suit : « l'acquéreur aura la pleine propriété du bien vendu à partir de ce jour et entrera en sa jouissance par la perception des loyers, le vendeur nous précisant que le bien est actuellement occupé suivant bail à usage d'habitation dont l'acquéreur reconnaît avoir reçu une copie antérieurement aux présentes ».
Le bail en question était un bail de résidence principale de neuf ans, non enregistré, expirant le 31 janvier 2012.
Par courrier recommandé du 2 décembre 2010, l’acheteur a fait part au preneur, de son intention d'occuper personnellement les lieux, et lui a notifié un préavis de trois mois prenant cours le 1er janvier 2011, pour expirer le 31 mars suivant.
Le 29 janvier 2011, le preneur a notifié à son ancienne propriétaire, un contre-préavis de trois mois expirant le 30 avril 2011, étant dans l’impossibilité de se loger ailleurs avant cette date.
Par citation introductive d’instance intentée devant la justice de paix de Tournai, l’acheteur affirme que le preneur occupe son bien sans droit ni titre depuis le 1er avril 2011, et sollicite par conséquent, son expulsion des lieux.
Décision du juge de paix
Le juge de paix constate que c’est à tort que le preneur, s'appuyant sur la clause précitée de l'acte authentique de vente, conteste la validité du congé qui lui fut adressé pour le 31 mars 2011, au motif que le bail litigieux aurait eu date certaine à son égard.
Il rappelle l’article 1328 du code civil, selon lequel « les actes sous seing privé n'ont de date contre les tiers que du jour ..., où leur substance est constatée dans des actes dressés par des officiers publics »2.
Le juge considère que pour que le bail litigieux acquière date certaine et soit opposable à l’acheteur, il aurait fallut que les termes du bail, à tout le moins les plus substantiels, soient reproduits dans l'acte authentique de vente, et que l’acquéreur ait expressément pris l'engagement de le respecter.
Il estime donc que le congé du 2 décembre 2010 est bien valide, et que le preneur occupe effectivement les lieux, sans droit ni titre depuis le 1er avril 2011.
Par conséquent, le juge de paix condamne le preneur à libérer les lieux pour le 15 juillet 2011 au plus tard, sous peine de s'en faire expulser par toutes voies de droit.
Bon à savoir
Selon l’article 1328 du code civil, « les actes sous seing privé n'ont de date contre les tiers que du jour ..., où leur substance est constatée dans des actes dressés par des officiers publics »3.
Pour ce faire, il ne suffit pas que l'acte sous seing privé soit simplement mentionné dans l'acte authentique.
En effet, il faut aussi que tous les éléments substantiels de l’acte sous seing privé soient relatés dans l’acte authentique.
Ainsi, la déclaration faite par l'acquéreur d'un immeuble grevé d’un bail, par laquelle ce dernier dit connaître toutes les conditions du bail, ne suffit pas pour conférer date certaine à celui-ci4.
Il en est de même pour la simple mention, dans l'acte de vente, de l'existence et des conditions du bail.
Ainsi, la clause doit stipuler explicitement l'exigence du respect du bail5.
La clause de l'acte authentique de vente aux termes de laquelle l'acquéreur est informé de l'occupation du bien à titre de bail et reconnaît avoir reçu une copie du contrat, n'est pas suffisante pour donner date certaine au contrat de bail.
Dès lors, pour que le bail soit opposable à l'acquéreur, il faut que ses termes soient reproduits dans l'acte de vente et que l'acquéreur ait expressément pris l'engagement de le respecter.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Justice de paix Tournai (2nd canton), 7 juin 2011, J.L.M.B., 2012/40, p. 1913-1915.
2. Article 1328 du Code civil
3. Article 1328 du Code civil
4. D. MOUGENOT, La preuve, tiré à part du Rép. not., n° 169, citant P. VAN OMMESLAGHE, R.C.J.B., 1975, n° 129.
5. Civ. Bruxelles, 17 mars 1998, Act. jur. baux, 1998, p. 118, cité par Y. MERCHIERS, Le bail de résidence principale, tiré à part du Rép. not., 2010, n° 325