Présentation des faits1
Un bail a été conclu le 29 juin 1995 pour une durée de trois ans, prenant cours le 10 juillet 1995.
Le bail a été conclu entre Madame D., le bailleur, et les époux C. et E., les preneurs.
Le 28 août 1995, Monsieur C. a prévenu Madame D. que lui et son épouse allaient devoir quitter la maison, puisqu’il avait perdu son travail et n’avait dès lors plus aucun revenu. Sa femme ne travaillant pas, il n’était plus possible pour eux de payer les loyers.
Madame D., par l’intermédiaire de son agent immobilier, Monsieur B., a envoyé un courrier à Monsieur C. pour lui rappeler qu’il avait signé un bail de trois ans. La propriétaire acceptait toutefois que Monsieur C. retrouve un autre locataire, à ses frais, et pour autant que ce dernier soit accepté par elle-même.
Le 24 octobre 1995, les époux C. et E. adressèrent un courrier à Madame D., dans lequel ils lui faisaient part de leur décision de quitter le logement le 10 novembre 1995. Ils avaient, en effet, trouver un autre logement à partir de cette date et un couple pouvait reprendre leur bail.
Cependant, l’agent immobilier B. les a informé que les candidats proposés par les époux C. et E. ne convenaient pas à Madame D. Ils ne possédaient pas des revenus suffisants.
Plusieurs autres candidats se présentèrent mais aucun ne convenait au bailleur. Une des candidats dû se désister car elle avait vendu sa maison, mais l’acheteur n’a pas obtenu de prêt hypothécaire.
Le 8 novembre 1995, les époux ont informé Madame D. qu’ils désiraient obtenir l’autorisation de quitter les lieux le 10 novembre 1995. N’ayant pas obtenu cette autorisation, ils ont décidé de quitter la maison le 11 novembre 1995.
Madame D. a ensuite introduit une action en justice contre les époux C. et E. Elle demande à ce que soit prononcée la résiliation du bail aux torts des preneurs. Elle réclame également leur condamnation au paiement des arriérés de loyer ainsi qu’au paiement d’une indemnité de relocation équivalente à six mois de loyer.
Les époux C. et E. estiment, quant à eux, qu’ils ont proposé des candidats sérieux à Madame D. mais que cette dernière les a refusés sans véritable justification. Ils reprochent donc un abus de droit de la part de Madame D.
Décision
Puisque les époux C. et E. ont conclu un bail pour une durée de trois ans, les juges considèrent que Monsieur C. ne peut pas invoquer la perte de son emploi pour résilier le contrat de bail. Il savait au moment de la conclusion du bail qu’il n’avait signé qu’un contrat à durée déterminée d’une durée de trois mois.
Les juges estiment qu’il aurait dû prévoir la possibilité que son contrat ne soit pas renouvelé. C’est pourquoi, ceux-ci trouvent que Monsieur C. n’est pas dans une position où il peut se permettre de reprocher un abus de droit à Madame D., puisqu’il a lui-même conclu un contrat avec légèreté, auquel il a mis fin un mois et demi après l’avoir conclu.
Les juges constatent également que les raisons pour lesquelles Madame D. a refusé les candidats locataires proposés par Monsieur C. reposaient sur des critères objectives.
Les juges estiment que la demande de Madame D. est bien fondée et condamnent les époux C. et E. à payer l’indemnité de relocation fixée à six mois de loyer par l’article 9 du contrat de bail.
Bon à savoir
Lorsqu’un bail est conclu pour une durée inférieure ou égale à trois ans, il s’agit d’un bail de courte durée2. Le législateur a souhaité introduire la possibilité, tant pour les bailleurs que pour les preneurs, de conclure un bail pour une durée relativement courte, afin de répondre aux besoins de la pratique3.
Il est important de souligner qu’un bail de courte durée est un bail de résidence principale. Seulement les aspects du bail relatifs à sa durée font l’objet d’une réglementation spécifique. Les autres aspects restent réglés par la section du Code civil relative aux baux de résidence4.
Le bail de courte durée ne prend, par ailleurs, pas fin automatiquement à l’arrivée du terme. Selon l’article 3, paragraphe 6, alinéa 4 de la loi du 20 février 1990, « il prend fin moyennant un congé notifié par l'une ou l'autre des parties au moins trois mois avant l'expiration de la durée convenue ».
Il est également possible, pour les parties, de mettre fin au contrat de bail de commun accord5.
Quant à la faculté donnée à une des parties de résilier unilatéralement le bail de courte durée, celle-ci est controversée en doctrine et en jurisprudence. Toutefois, la doctrine et la jurisprudence majoritaires admettent la validité des clauses de résiliation anticipées6.
Le contrat de bail peut prévoir la possibilité pour le preneur de trouver un autre locataire et de lui céder le bail, pour autant que le bailleur agrée les nouveaux locataires proposés par le preneur.
Lorsque le bailleur refuse les locataires proposés puisque ceux-ci ne disposent pas de revenus suffisants, celui-ci ne commet pas un abus de droit lorsque les refus reposent sur des raisons objectives.
Le locataire qui a conclu un contrat de bail de trois ans alors qu’il avait signé un contrat de travail à durée déterminée de trois mois, et qui désire quitter les lieux après un mois de loyer, a par ailleurs agi avec légèreté7.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Justice de paix de Messancy, 3 mai 1996, Act. Jur. baux, 1998, p. 122.
2. Article 3, paragraphe 6, alinéa 1er, de la loi du 20 février 1991. Code civil - Livre III - Titre VIII - Chapitre II, Section 2. Des règles particulières aux baux relatif à la résidence principale du preneur : « Par dérogation au § 1er, un bail peut être conclu, par écrit, pour une durée inférieure ou égale à trois ans ».
3. Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 1990-1991, 1357/1, p. 16; 1357/10, pp. 5 et 68; Doc. parl., Sén., sess. ord. 1990-1991, 1190/2, p. 27.
4. Voy. G. Benoit, I. Durant, P. Jadoul, M. Vanwijck-Alexandre, Le bail de résidence principale, Bruxelles, La charte, 2006, p. 208.
5. P. Baurain, « Les baux de courte durée portant sur la résidence principale du preneur peuvent-ils être résiliés unilatéralement ? », J.T., 1996, p. 753.
6. G. Benoit, I. Durant, P. Jadoul, M. Vanwijck-Alexandre, op. cit., p. 213 ; Tribunal civil de Liège, 15 mars 2006, J.L.M.B., 2007, p. 995.
7. Justice de paix de Messancy, 3 mai 1996, Act. Jur. baux, 1998, p. 122.