Présentation des faits1
Madame B. a donné en location à Monsieur T. et Monsieur M un bien situé à Liège. Ils ont conclu un contrat de bail de résidence principale de trois ans.
Le bail contient, en outre, la clause suivante : « chacune des parties peut mettre fin unilatéralement au bail à l’échéance de la première et de la deuxième année, moyennant un préavis de trois mois ».
Madame B. a donne un renon à T. et M. le 4 avril 2006 pour sortir ses effets le 14 avril 2006. Elle demande, en outre, que le délai légal d’un mois pour l’expulsion ne soit pas accordé à Monsieur T. et Monsieur M.
Madame B. réclame aussi que Monsieur T. et Monsieur M. soient condamnés au paiement des deux mois de loyers impayés ainsi qu’au paiement d’une indemnité d’occupation de 280 euros par mois, pour une période allant de la « résiliation du bail » au départ des lieux.
Décision
Les juges rappellent qu’il est contesté en doctrine que des clauses de résiliation anticipée puissent être insérées dans les contrats de bail de courte durée.
Même s’il est vrai que la jurisprudence et certains auteurs acceptent la validité de ces clauses, les juges citent l’opinion de de Madame Merchiers, selon laquelle « une telle clause est peu conciliable avec la ratio legis du bail de courte durée ».
Les juges se tournent ensuite vers la justification données par les juges qui admettent la validité de telles clauses de résiliation anticipée dans les baux de courte durée. Ceux-ci rappellent, en effet, que selon l’article 3, paragraphe 6, deuxième alinéa de la loi du 20 février 1991, les baux de courte durée ne sont pas régis par les dispositions des paragraphes 2 à 5 de l’article 3 précité.
C’est pourquoi cette partie de la jurisprudence considère que les parties sont libres d’insérer dans leurs baux de courte durée toutes les clauses qui permettraient la rupture anticipée, et ce pour autant que celle-ci n’intervienne pas dans les délais et conditions repris aux paragraphes 2 à 5 de l’article 3, et pour autant qu’elles ne soient pas en contradiction avec le paragraphe 6 du même article.
Les juges ne sont pas d’accord avec cette interprétation a contrario de la loi. Ils invoquent à cet égard l’alinéa quatre de l’article 3 précité, selon lequel il est mis fin au contrat de bail « moyennant un congé adressé par l’une ou l’autre des parties au moins trois mois avant l’expiration de la durée convenue ». Cet alinéa parlant de « la » manière dont il est mis fin au bail de courte durée, les juges estiment qu’il n’est pas possible d’y mettre fin d’une autre manière.
Dès lors que la loi sur le bail de résidence principale est impérative, les juges considèrent que toute clause qui serait contraire à cette loi doit être frappée de nullité relative.
L’article 3, paragraphe 6, alinéa 4 protège essentiellement le locataire, en lui permettant de savoir au moins trois à l’avance s’il doit chercher un nouveau logement, et en lui assurant un logement pendant la durée convenue dans le bail.
En l’espèce, les locataires avaient signé un bail de trois ans et pouvaient donc légitimement espérer être à l’abri d’un renon pendant au moins cette période. Les juges sont donc d’avis que les locataires étaient en droit d’invoquer la contrariété de la clause de renon anticipée avec la règle impérative organisant la manière dont prend fin le bail de courte durée.
Les juges décident donc de s’écarter de la jurisprudence majoritaire en la matière et d’invalider la clause de renon anticipée.
Bon à savoir
Concernant la résiliation anticipée par l’une des parties des baux de résidence principale de courte durée, il existe une controverse dans la jurisprudence et la doctrine2.
La majorité de la doctrine3 considère que les parties concluant un bail de courte durée sont tout à fait libres d’insérer dans leur contrat une clause de résiliation anticipée, soit celle prévue aux paragraphes 2 à 5 de l’article 3 de la loi du 20 février 1991 soit une qu’elles auraient inventée. Les auteurs partageant cette thèse fonde cette dernière sur la liberté contractuelle.
Certains juges sont également en faveur des clauses de résiliation anticipée dans les baux de courte durée4.
Cependant, dans leur jugement rendu le 30 juin 2006, les juges de paix de Liège ne se sont pas ralliés à cette thèse. Ils ont en effet considéré que l’article 3, paragraphe 6, aliéna 4 de la loi du 20 février 1991, en prévoyant que le contrat de bail de courte durée « (…) prend fin moyennant un congé notifié par l'une ou l'autre des parties au moins trois mois avant l'expiration de la durée convenue », protégeait particulièrement le locataire et ne permettait pas aux parties de mettre fin au bail d’une autre manière que moyennant un congé de trois mois avant l’expiration de la durée convenue5.
Toujours selon les mêmes juges, la loi du 20 février 1991 relatif au bail de résidence principale étant impérative, toute clause contraire insérée par les parties dans leurs contrats de bail sont entachées de nullité relative.
Il est important de souligner que les conclusions de ce jugement du 30 juin 2006 ne constituent pas l’opinion de la jurisprudence ou de la doctrine majoritaire.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Justice de paix de Liège, 30/06/2006, J.L.M.B., 2007, p. 998.
2. G. Benoit, I. Durant, P. Jadoul, M. Vanwijck-Alexandre, Le bail de résidence principale, Bruxelles, La charte, 2006, pp. 213 et suivantes.
3. Voy. par exemple C. Deboyser, Le bail à loyer, coll. Tout savoir sur, Bruxelles, Story-Scientia, 1992, p. 47 ; M. Grégoire, « Baux concernant le logement principal et libertés des conventions. Baux à vie », in La Nouvelle réglementation des baux à loyers, Bruxelles, Académia-Bruylant, 1991, p. 233.
4. Voy. par exemple Justice de paix de Turnhout, 2 décembre 2003, J.J.P., « Les baux », 2006, p. 235 ; Civ. Bruxelles, 9 septembre 1996, R.J.I., 1996, p. 211.
5. Justice de paix de Liège, 30/06/2006, J.L.M.B., 2007, p. 998.