Présentation des faits1
Les propriétaires ont conclu trois contrats de bail commercial distincts, pour trois commerces, avec les preneurs, courant tous jusqu'au 31 juillet 2007.
Le 1er janvier 1992, les trois conventions ont été cédées par les preneurs à la Société V puis, le 1er avril 1993, elles ont de nouveau été cédées à la Société L.
Cette dernière a été déclarée en faillite par jugement du 7 septembre 1994.
Par lettre du 10 mars 1995, le curateur de faillite a clairement exprimé sa volonté de mettre unilatéralement fin au bail entre la Société L et les propriétaires.
Faute d’actif, la faillite a été clôturée le 13 juin 1995.
Les bailleurs ont introduit une action à l’encontre de tous les preneurs devant le juge de paix.
Le juge a condamné solidairement les preneurs au paiement des arriérés de loyer jusqu'au mois de juin 1995.
Ces derniers ont fait appel de cette décision devant le tribunal de première instance de Louvain.
Celui-ci a confirmé le jugement du juge de paix.
Les preneurs ont donc décidé de se pourvoir en cassation.
Décision de la Cour de cassation
La Cour de cassation constate qu’il a été unilatéralement mis fin au bail commercial le 10 mars 1995, alors qu’en principe, la faillite n’arrête pas le bail commercial en cours.
La Cour de cassation rappelle l'article 11, I, alinéa 1er, de la loi du 30 avril 1951 sur les baux commerciaux, qui dispose qu'en cas de cession portant sur l'intégralité des droits du locataire principal, le cessionnaire devient le locataire direct du bailleur.
Elle rappelle également l'article 11, III, de cette loi, qui précise que le preneur originaire demeure solidairement tenu de toutes les obligations qui dérivent du bail initial.
Elle considère que l'obligation solidaire s'étend à tout preneur successif mais que celle-ci est limitée à la fin du bail initial.
Dès lors, les cédants sont solidairement tenus avec la Société L, de toutes les obligations découlant du bail et ce, jusqu'à son expiration, c’est à dire le 10 mars 1995.
Cependant, selon la Cour, en tenant compte d’un dédommagement équitable de la résiliation unilatérale par la Société L, les loyers peuvent être demandé aux preneurs, jusqu'au mois de juin 1995 inclus, comme l'a décidé le juge de paix.
Par ces motifs, la Cour de cassation confirme le jugement attaqué et rejette le pourvoi.
Bon à savoir
La cession de bail est assimilable à une cession de créance, c’est-à-dire une opération par laquelle le « cédant » cède au « cessionnaire », les droits (et non les obligations) tirés du bail2.
L'article, I, alinéa 1er, de la loi du 30 avril 1951 sur les baux commerciaux, dispose qu'en cas de cession portant sur l'intégralité des droits du locataire principal, le cessionnaire devient le locataire direct du bailleur3.
Le contrat initial subsiste et le cessionnaire peut exercer les droits (le droit à la jouissance, le droit à l’occupation paisible, le droit de requérir la résolution du bail, etc.) qui en résultent à l’égard du bailleur4.
L'article 11, III, de la loi précitée, précise que le preneur originaire demeure solidairement tenu de toutes les obligations qui dérivent du bail initial5.
Il en résulte que le cédant n’a plus de droit à faire valoir à l’encontre du bail, mais reste cependant tenu des obligations que le bail compte et donc notamment le paiement du loyer6.
Ainsi, la solidarité existe, que le contrat contienne une clause d’interdiction de céder ou non7. Le cessionnaire est substitué à l’ancien preneur, pour autant que la cession ait été signifiée au bailleur8.
Le cédant est débiteur solidaire et non simple caution solidaire9.
En cas de cessions successives, le cédant et les cessionnaires suivants sont tous tenus solidairement des dettes issues du bail initial10.
Le bailleur peut donc s’adresser aux cessionnaires successifs, toujours sous réserve de l’abus de droit11.
Le principe est donc la solidarité mais rien n’empêche le bailleur d’y renoncer12.
Ainsi, lorsqu’un bail commercial est cédé à différents preneurs successifs, le cédant et les cessionnaires suivants sont tous tenus solidairement des dettes issues du bail initial. Ainsi, lorsque le dernier cessionnaire est en défaut de paiement, suite à une faillite, les cédants seront tenus solidairement aux arriérés de loyers courant jusqu’à la fin du bail initial, quelle que soit la façon par laquelle il est mis fin à celui-ci.
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1. Cass., 28 janvier 2005, R.W., 2007-2008, p. 271.
2. G. BENOIT, C. DELFORGE, P. JADOUL, G. ROMMEL et M. VLIES, Le bail commercial, Bruxelles, La Charte, 2008, p. 272.
3. Article 11, alinéa 1er, de la loi du 30 avril 1951 sur les baux commerciaux, 10 mai 1951, p. 3582.
4. G. BENOIT, C. DELFORGE, P. JADOUL, G. ROMMEL et M. VLIES, Le bail commercial, Bruxelles, La Charte, 2008, p. 272.
5. Article 11, alinéa 3, de la loi du 30 avril 1951 sur les baux commerciaux, 10 mai 1951, p. 3582.
6. G. BENOIT, C. DELFORGE, P. JADOUL, G. ROMMEL et M. VLIES, Le bail commercial, Bruxelles, La Charte, 2008, p. 272.
7. G. BENOIT, C. DELFORGE, P. JADOUL, G. ROMMEL et M. VLIES, Le bail commercial, Bruxelles, La Charte, 2008, p. 299.
8. J.P. Liège, 14 octobre 1955, Jur. Liège, 1956, p. 288.
9. Liège, 21 novembre 1966, Jur. Liège, 1966-1967, p. 259; M. LAHAYE et J. VANDEKERCKHOVE, Les baux en général, Les Novelles, Larcier 1997, p. 1713.
10. Cass., 18 février 1988, Pas., 1988, I, p.728.
11. Cass., 18 février 1988, Pas., 1988, I, p.728.
12. G. BENOIT, C. DELFORGE, P. JADOUL, G. ROMMEL et M. VLIES, Le bail commercial, Bruxelles, La Charte, 2008, p. 299.