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DROIT IMMOBILIER

BAIL

4 Février 2016

Cour d'appel de Mons - Droit de préemption

Cour d'appel de Mons - Droit de préemption

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Présentation des faits1

Les époux C. exploitent une ferme qu'ils ont acquise en 1992 auprès de Madame N.

En 2002, ils ont appris que Madame N. mettait en vente trois parcelles de terres agricoles sises à proximité de leur exploitation et d'une superficie globale d'environ 16 ha.

Ces parcelles avaient été louées, selon bail à ferme, à feu Monsieur D., lequel est décédé le 14 février 2001, en laissant pour héritiers son épouse, Madame D., et ses enfants.

Les époux C. ont signé, pour ces parcelles, le 26 juin 2002, un compromis de vente avec Madame N., sous condition suspensive de non-exercice du droit de préemption.

Le 28 juin 2002, ce compromis a été notifié par le notaire à Madame D.

Le 22 juillet 2002, Madame D. et ses enfants ont adressé au notaire une lettre, signalant qu'ils cédaient leur droit de préemption à la SPRL F., cette dernière acceptant d'acquérir les biens.

Par lettres recommandées du 11 septembre 2002, les époux C. se sont opposés à la passation de l'acte authentique de vente en faveur de la SPRL F., au motif que Madame D. ne disposait plus d'un droit de préemption, dès lors qu'elle n'exploitait plus personnellement les parcelles.

Par exploit du 26 septembre 2002, les époux C. ont cité Madame N. devant le tribunal de première instance de Mons, en passation d'acte authentique de vente des parcelles, soutenant que la condition suspensive reprise au compromis de vente du 26 juin 2002 s'était réalisée, Madame D. n'ayant pu céder un droit de préemption dont elle ne disposait pas.

Par requête du 8 octobre 2002, la SPRL F. est intervenue volontairement à l'instance, en faisant valoir qu'elle est seule propriétaire des parcelles litigieuses.

Par requête du 21 octobre 2002, Madame D. et ses enfants sont également intervenus à l'instance, en soutenant que la demande est non fondée à la suite de la cession de leur droit de préemption.

Par jugement du 8 juin 2004, le tribunal a déclaré la demande principale non fondée et a condamné les demandeurs au principal à payer, à Madame N., les intérêts au taux légal sur le prix de vente et à la SPRL F., un euro provisionnel pour préjudice financier.

Les époux C. ont interjeté appel de ce jugement par requête du 29 juin 2004.

Décision de la Cour d’appel de Mons

La Cour constate que les parties s'opposent quant à la portée du compromis de vente sous condition suspensive intervenu le 26 juin 2002.

Ledit compromis comportait aux « conditions particulières », une clause « B. Préemption », stipulant que : « Conformément à l'article 49, 1, alinéa 2, de la loi régissant le bail à ferme, le bailleur (vendeur aux présentes) peut réputer exploitant celui qui a payé le dernier fermage. La présente vente est conclue sous la condition suspensive de non-exercice du droit de préemption : a. par le preneur pour lui ou les bénéficiaires légaux qui participent effectivement à l'exploitation du bien ou par des tiers en cas de cession du droit de préemption ; b. (...). Les soussignés requièrent le notaire Bernard Degrève de notifier dans les vingt jours des présentes au preneur et à l'Office wallon de Développement rural le contenu du présent compromis  Cette notification vaut offre de vente. En cas d'exercice du droit de préemption, l'acceptation devra être notifiée audit notaire dans le délai légal.  Par cette acceptation, le preneur ou les tiers s'obligent à régler le prix et les frais en l'étude du notaire Dégrève comme stipulé et à y signer l'acte authentique de vente.L'acompte versé par l'acquéreur aux présentes lui sera restitué. (...) ».

La Cour constate, après analyse du dossier que le 28 juin 2002, le notaire D. a notifié le compromis à Madame D., en mentionnant notamment que « (...) A cet effet, je vous communique, en annexe, à la présente le contenu du compromis de vente établi sous condition suspensive du non-exercice de votre droit de préemption, à l'exception de l'identité de l'acheteur. ( ... ). La vente sera parfaite dès que j'aurai eu connaissance de votre acceptation régulière ».

La Cour rappelle à cet égard qu’il revient au notaire d'adresser la notification en son nom personnel, en qualité de mandataire du bailleur, choisi certes par celui-ci, mais agissant comme officier ministériel.

En l’espèce, le compromis du 26 juin 2002 précise que les signataires requièrent du notaire D. de le notifier au preneur.

En outre, il était parfaitement loisible aux parties au compromis d'inviter le notaire à assortir la notification de réserves. Il est étonnant que les époux C., dont la ferme se trouve à proximité immédiate des parcelles litigieuses et qui étaient dès lors particulièrement bien placés pour savoir qui les exploitait, n'aient pas jugé utile de faire insérer la moindre réserve dans le compromis de vente ou la notification.

Il appert également que le droit de préemption, qui était reconnu à Madame D. par sa bailleresse, a été exercé, dans le cadre d'une cession en application de l'article 48 de la loi, de sorte que la condition suspensive stipulée au compromis de vente signé par les époux C. ne s'est pas réalisée.

 La Cour considère que les époux C, lesquels ont accepté les termes du compromis de vente, dont il ressort clairement que sa notification constituait une offre de vente sans réserve, ne peuvent être suivis, lorsqu'ils soutiennent que la condition suspensive de non-exercice du droit de préemption s'est réalisée, nonobstant la cession et l'acceptation expresse de la SPRL F.

Ainsi, la vente était parfaite entre la venderesse et le préempteur, dès le moment où l'acceptation est parvenue à la connaissance de la venderesse.

Bon à savoir

Dans la pratique, le pacte de préférence est souvent exprimé simplement sans véritables précisions concernant les modalités relatives à la notification et à l’exercice de ce droit de préemption. Cela étant, le fait que lesdites modalités ne soient pas précisées n’altère en rien la validité du pacte de préférence2.

La plupart du temps, les clauses relatives au pacte de préférence renvoient, en ce qui concerne les modalités d’exécution, vers les règles applicables pour le bail à ferme ou pour les biens ruraux.

Il revient, en tout état de cause, aux parties de déterminer librement les modalités relatives à la notification de la vente et à l’exercice du droit de préférence3.

 

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

_______________

1. Mons (2e Ch.), 14 juin 2005, J.L.M.B., 2009/4, pp. 153-158.

2. Bruxelles, 6 mai 2009, Rev. not. belge., 2009 p. 836.

3. P. RENIERS, «Droit de préemption – Les notifications modalisées», in Les baux. Actualités législatives et jurisprudentielles, Bruxelles, Bruylant, 2005, p. 209 ; Mons, 14 juin 2005, J.L.M.B., 2009, p. 153; Civ. Dinant, 26 février 2004, J.L.M.B., 2004, p. 1821.


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