Présentation des faits1
Monsieur B. a confié à la sa C. la mission de rechercher un acquéreur pour un immeuble dont il était propriétaire et qu'il souhaitait vendre, selon une convention du 12 avril 2011 pour un prix de vente de 370.000 euro.
Monsieur M. s'est manifesté auprès de l'agence immobilière, au mois de juin 2011 et a transmis une offre de 350.000 euro en date du 27 juin 2011 ; cette offre limitée par son auteur à deux jours n'a pas été acceptée par le vendeur.
Le 8 juillet 2011, un compromis de vente, sans condition suspensive, a été signé pour le prix de 360.000 euro par Monsieur B. et les époux Q. qui avaient formé, le 29 avril, pareille offre assortie d'une condition suspensive qui ne s'était pas réalisée.
Par email du 8 juillet 2011, Monsieur M. a fait une nouvelle offre à hauteur de 365.000 EUR auquel l'agence a répondu que cette offre était tardive, le bien ayant été vendu. Monsieur M. a fait une nouvelle offre le lendemain qu'il portait à la somme de 370.000 EUR.
Monsieur M. a assigné l'agence immobilière et Monsieur B. sur la base de l'article 1382 du Code civil afin de les voir condamner à des dommages et intérêts. Le demandeur considère qu'il y a eu rupture fautive de négociations et qu'en ne devenant pas propriétaire du bien qu'il convoitait, il a subi un préjudice moral et matériel.
Par jugement du 23 avril 2013, le tribunal de de première instance de Dinant a débouté Monsieur M. de sa demande.
Par requête du 11 juin 2013, Monsieur M. a interjeté appel dudit jugement.
Décision de la Cour d’appel de Liège
L'agence immobilière produit à son dossier une promesse d'achat datée du 29 avril 2011 émanant des époux Q. portant sur l'immeuble litigieux pour lequel ils offraient la somme de 360.000 euro, sous la condition suspensive de l'obtention d'un prêt endéans les trente jours ainsi qu'une convention de vente, sans condition suspensive. L'agence immobilière allègue que les acheteurs n'ont pas obtenu de prêt suite à la promesse d'achat et que cette promesse d'achat n'a pu sortir ses effets à défaut pour les acquéreurs d'avoir obtenu un crédit hypothécaire.
La Cour d’appel de Liège rappelle tout d’abord que lors de la phase précontractuelle, la bonne foi doit présider la conduite des pourparlers. Or, en l'espèce, la période des pourparlers a été très brève, puisque Monsieur M. a formulé une offre le 27 juin 2011, celle-ci étant valide pour deux jours.
La Cour d’appel estime qu’au-delà de ce délai et avant cette période, on ne peut parler de pourparlers entre Monsieur M. et l'agence et/ou Monsieur B., au cours desquels la confiance légitime de l'une ou l'autre des parties aurait été trahie, puisqu'il n'y avait pas de pourparlers.
Dans sa correspondance du 29 juillet 2011, Monsieur M. énumère la chronologie des faits, et ne fait mention que d'un sms envoyé le 7 juillet 2011 à l'agence, postérieurement à son offre non acceptée, de sorte que son allégation selon laquelle il aurait rappelé son offre par téléphone à l'agence est peu crédible. En outre, même si ce fait était démontré, il faut constater qu'une offre faite par téléphone n'a pas un caractère bien contraignant et qu'en tout état de cause, cette offre, qui aurait été réitérée, est inférieure à celle acceptée par Monsieur B. Aucun droit ne pourrait naître dans le chef de Monsieur B. du fait d'avoir fait pareille offre.
Au demeurant, l'agence n'avait aucune obligation de reprendre contact avec les personnes qui avaient manifesté un intérêt pour l'immeuble litigieux.
Dans l’hypothèse où la vente avait été parfaite à la fin de mois de mai 2011, la Cour d’appel ne voit de toute façon pas l'intérêt de l'agence immobilière de maintenir le bien en vente avec les prestations que cela impose pour elle. En outre, l'agence retarderait la perception de sa commission. La Cour ne voit pas non plus l'intérêt de signer au mois de juillet un compromis de vente pour le même prix de 360.000 euro.
Selon la Cour, l'agence immobilière a agi dans les limites du mandat qui lui avait été confié, en ne divulguant pas à un tiers les documents intervenus entre les époux Q. et l'agence et/ou Monsieur B., étant tenue à un devoir de discrétion. Il faut constater néanmoins que l'agence est transparente, lorsqu'elle produit la première promesse d'achat du 29 avril émise par les époux Q. et qu'il ne peut être exigé d'elle la production d'aucun autre document.
La Cour considère enfin qu’il n'est pas fautif pour l'agence d'avoir laissé subsister sur son site la mise en vente de l'immeuble litigieux jusqu'au mois de juillet, puisque ce n'est que le 8 juillet que la vente s'est conclue.
Par conséquent, elle déclare la demande dirigée contre l'agence immobilière non fondée, à défaut du moindre comportement fautif dans son chef.
Elle considère par ailleurs que la demande dirigée contre Monsieur B. n'est pas davantage fondée. En effet, Monsieur M. ne caractérise pas de faute dans le chef de Monsieur B., affirmant que celui-ci considérait la vente comme parfaite avec les époux Q. dès le 29 mai 2011.
Eu égard à ce qui précède, la Cour d’appel de Liège déclare la demande de Monsieur M. dirigée contre Monsieur B. et l’agence immobilière recevable, mais non fondée.
Bon à savoir
Le principe général est que les parties disposent d’une liberté pour conclure des contrats, eu égard aux principes de la liberté contractuelle et de la liberté de commerce2.
Le principe de la liberté contractuelle impose que lorsque deux personnes négocient un contrat, celles-ci restent libres de ne pas se lier par le contrat envisagé. Cela étant, cette liberté n’est pas absolue et une partie pourrait voir sa responsabilité engagée à la suite du comportement fautif qu’elle a adopté durant les négociations3.
Cette responsabilité précontractuelle est également appelée culpa in contrahendo4.
Toutefois, il ne saurait être question d’une rupture fautive des pourparlers et, partant d’une culpa contrahendo, en dehors de la phase précontractuelle.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Liège, 4 juillet 2014, 2013/rg/929, disponible sur www.juridat.be
2. M. BERLINGIN., « La formation dynamique du contrat de vente », in Manuel de la vente, Kluwer, Waterloo, 2010, pp. 37 et suivantes.
3. M. DUPONT, « La culpa in contrahendo : une application particulière de la responsabilité civile (note d'observations sous Liège, 3e ch., 7 mai 2008) », For. Ass., 2009/2, n° 92, p. 50.
4. J. STICHELBAUT, « La période précontractuelle. La rencontre des consentements », in Obligations. Traité théorique et pratique, Editions Kluwer, Bruxelles, 2007, II.1.4-11 - II.1.4-66.