Présentation des faits1
En date du 15 décembre 2001, Madame F.H. a informé Monsieur V.H., son locataire, de son intention de vendre la maison et les terrains dont elle est propriétaire. Par ce courrier, Monsieur V.H. était invité à faire une offre. En effet, puisque Monsieur V.H. bénéficiait d’un droit de préemption sur une partie de ses biens, elle préférait que la propriété reste en un bloc.
Monsieur V.H. a accusé réception de cette lettre, tout en invitant Madame F.H. à respecter le droit de préemption dont il était le bénéficiaire.
Par un courrier datant du 15 mars 2001, le notaire X. a invité Monsieur V.H. à éventuellement faire valoir son droit de préemption. Par la même occasion, il l’a informé qu’un compromis de vente avait été signé pour un montant de 1.250.000 de francs belges et qu’il disposait d’un délai d’un mois pour répondre.
Monsieur V.H. n’a pas manifesté son intention d’exercer son droit de préemption, ni critiqué l’assiette du droit de préemption ou encore le prix offert par l’acquéreur.
Ensuite, une plainte avec constitution de partie civile a été déposée par Monsieur V.H. contre Madame F.H., le notaire X. et les acquéreurs pour faux en écritures authentiques et publiques par un fonctionnaire public avec détention illégale et arbitraire. A cet égard, il est toutefois utile de mentionner que l’instruction a abouti à une ordonnance de non-lieu en octobre 2005.
Monsieur V.H. estime que l’offre qui lui a été notifiée par Madame F.H. ne correspondait à aucune réalité économique. Il invoque à cet effet une expertise ordonnée dans le cadre de l’instruction précitée, de laquelle il ressort que l’ensemble de la propriété devrait être estimée à la somme de 13.050.000 de francs belges, soit 7.900.000 francs pour la partie soumise au droit de préemption et 5.150.000 francs pour l’autre partie, soit les bois et les friches. Monsieur V.H. affirme que la diminution du prix de la partie boisée non soumise au droit de préemption a été reportée sur la partie soumise au droit préemption dans le but de méconnaître son droit de préemption.
Décision de la Cour d’appel de Liège
Dans un premier temps, la Cour constate que le droit de préemption dont bénéficie Monsieur V.H. est partiel. De plus, Monsieur V.H. ne jouissait d’aucun droit de préemption sur la propriété de Madame F.H. composée de trente-cinq hectares de bois et friches.
Ensuite, la Cour considère qu’il n’est pas démontré que le prix de l’ensemble immobilier faisant l’objet du droit de préemption était en dehors de toute réalité économique. Par conséquent, les juges estiment qu’il n’y a pas lieu de chercher à savoir si ce prix est le fruit de manœuvres frauduleuses entre les parties défenderesses dans le but de léser Monsieur V.H.
La Cour d’appel conclut que la demande de Monsieur V.H. n’est pas fondée et réforme la décision du premier juge.
Quant au notaire X., ce dernier trouve que Monsieur V.H. a commis une faute. Ce dernier n’a en effet montré aucun intérêt à la proposition de Madame V.H. de lui adresser une offre pour l’acquisition de la proposition, ni répondu au courrier du 15 mars 2001 du notaire X. contenant une offre de préemption. Il a par ailleurs déposé plainte contre le notaire X. entre les mains d’un juge d’instruction. La Cour estime également que cette attitude est constitutive d’un comportement fautif puisque Monsieur V.H. ne s’est pas comporté comme tout homme normalement prudent et diligent en déposant plainte de manière légère contre le notaire X.
Bon à savoir
Le droit de préemption, ou droit de préférence, est le droit reconnu à une personne lui permettant d’avoir priorité sur tout autre candidat si le bien venait à être mis en vente2.
En pratique, le bénéficiaire du droit de préemption aura la priorité pour conclure la vente aux mêmes conditions que celles proposées par le tiers3.
Il peut être intéressant de souligner que l’on parlera en pratique de droit de préférence lorsque ce droit est de nature contractuelle et de droit de préemption lorsqu’il est institué par la loi4. Ce droit de préemption est reconnu de manière automatique dans les baux à ferme5.
Il faut par ailleurs savoir que le vendeur est tenu d’adresser une offre précise auprès du titulaire de droit avant de pouvoir vendre à un autre candidat.
Lorsqu’un droit de préemption est octroyé à un locataire, ce dernier a le droit d’acquérir le bien faisant l’objet du droit de préemption dans les mêmes conditions que celles qui sont offertes par les tiers. A cet égard, si le vendeur décide de mettre en vente l’ensemble de ses biens, il peut pas fixer la valeur des biens loués et des biens qui ne le sont pas d’une manière telle que cela revient à empêcher le preneur d’exercer son droit de préemption.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Liège (3e ch.), 16 mars 2009, J.L.M.B., 2011, p. 1983.
2. Voyez : E. BEGIUN, « Droit de préemption : quelques réflexions liées à la pratique notariale », Rev. dr. rur. , 2003, pp. 85 et suivantes.
3. M. VANWIJCK-ALEXANDRE et S. BAR, « Le pacte de préférence ou le droit de conclure par priorité », in Le processus de formation du contrat, Coll. Commission Université-Palais, vol. 72, Bruxelles, Larcier, 2004, pp. 133 et suivantes.
4. E. BEGUIN., « Le droit de préemption », in Guide de droit immobilier, Wolters Kluwer Belgium, Waterloo, 2013, VI.1.11.0. – 1 ; C. SAINT-ALARY-HOUIN, Le droit de préemption, Paris, L.G.D.J., 1979, p. 7 ; Cass., 19 février 1970, Pas., 1970, I, p. 542; Cass., 24 janvier 2003, Pas., 2003, I, p. 186; Cass., 27 avril 2006, Pas., 2006, I, p. 976.
5. Articles 47 et suivant de la loi du 4 novembre 1969 contenant des règles particulières aux baux à ferme ; E. BEGUIN, « Le droit de préemption », in Guide de droit immobilier, Waterloo, Kluwer, 1994, p. VI.1.11-1 et suivants ; E. BEGUIN, « 2.b. - Bail à ferme et droit de préemption. Chronique (1er janvier 2007- 30 juin 2009) » in Chroniques notariales – Volume 50, Bruxelles, Larcier, 2009, pp. 263-321.