Présentation des faits1
Les locataires ont conclu un contrat de bail commercial portant sur un immeuble afin d’exploiter un bar dans celui-ci.
Vu les problèmes financiers des exploitants, aucun aménagement ou transformation n’a eu lieu et aucun meuble luxueux n’a été installé dans le bar.
Le jeudi 20 juillet, les exploitants ont décidé de fermer le bar pour le week-end prolongé du 21 juillet. Lors de ce week-end, un incendie a eu lieu dans le bar dont la porte arrière a été retrouvée ouverte. Les tenanciers du bar ont été retrouvés à une dizaine de kilomètres du bar, dans leur habitation.
Ils ont introduit une réclamation auprès de l’assurance, qui portait sur une somme totale de 1.258.500 francs.
L’assurance a refusé d’intervenir et une procédure judiciaire a été introduite à cet égard.
Décision de la Cour d’appel
La Cour d’appel constate que l’incendie qui a eu lieu est volontaire et qu’il n’est pas prouvé que celui-ci a été commis par les locataires.
La Cour rappelle l’article 1733 ancien du Code civil qui prévoit que « le locataire répond de l’incendie, à moins qu’il ne prouve que l’incendie est arrivée par cas fortuit ou force majeure, ou par vices de construction, ou que le feu a été communiqué par une maison voisine »2.
La Cour considère donc que la présomption de responsabilité qui pèse sur le locataire est et doit donc rester, réfragable. Ainsi, la cause de l’incendie demeurée inconnue doit nécessairement être attribuée à un fait qui est étranger au locataire. La Cour rappelle que cette preuve peut être rapportée par présomptions.
En l’espèce, la Cour constate que les exploitants de l’immeuble n’ont pas commis de négligence dans la fermeture de l’établissement, ou dans l’entretien des appareils de chauffage et d’électricité qui aurait pu être à l’origine du sinistre.
Elle considère que les locataires démontrent également de façon suffisamment décisive qu’ils n’avaient aucun intérêt financier à provoquer l’incendie volontaire de leur établissement et que l’on ne peut soupçonner les tenanciers d’avoir enlevé des meubles avant l’incendie. De plus, rien ne permet de conclure à l’éventualité d’une tentative d’escroquerie à l’assurance.
En outre, selon la Cour, le seul fait que les locataires et les personnes dont ils répondent pouvaient se trouver à proximité du bâtiment au moment du déclenchement de l’incendie, n’implique pas qu’ils n’ont pas apporté la démonstration suffisante que l’incendiaire était un tiers.
Dès lors, la Cour décide qu’en l’absence totale de tout indice sérieux à charge des locataires et des personnes dont ils répondent, l’incendiaire ne pouvait être qu’un tiers demeuré inconnu, ce qui prouve que l’incendie est survenu par cas fortuit sans que l’on puisse reprocher de faute à aucun des locataires.
Bon à savoir
Le locataire doit restituer le bien loué au terme du contrat de bail selon l’article 1731 du Code civil.Cependant, l’article 1733 du Code civil prévoit que le locataire « répond de l’incendie, à moins qu’il ne prouve que celui-ci s’est déclaré sans sa faute »3. Cependant, la preuve à apporter par le locataire doit rester raisonnable: il «suffit» qu’il apporte la preuve que l’incendie a eu lieu sans sa faute4.
Ainsi, en cas d’incendie, le locataire ne peut exécuter cette obligation et engage dès lors sa responsabilité, sauf s’il prouve que l’incendie est arrivé à la suite d’un cas fortuit ou de force majeure ou qu’il s’est déclaré sans sa faute. La preuve à apporter par le locataire doit être raisonnable et peut être rapportée par présomptions.
La Cour devra donc analyser les faits afin de déterminer si le locataire démontre par présomptions graves, précises et concordantes, et de façon suffisamment décisive qu’en l’absence totale de tout indice sérieux à charge du locataire ou du sous-locataire et des personnes dont ils répondent, l’incendiaire ne peut être qu’un tiers demeuré inconnu5.
Il n’en reste pas moins qu’en cas de doute, le locataire n’est pas libéré de son obligation de restitution6.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Mons, 28 janvier 2002, J.L.M.B., 2005, p. 775.
2. Article 1733 ancien du Code civil
3. Article 1733 du Code civil.
4. Cour d’arbitrage, 21 juin 2000, arrêt n° 82.2000, RG 1946 ; Cass. 11 juin 1964, Pas., 1965, I, p. 1089; Cass. 30 juin 1977, Pas., 1977, I, p. 1109; Cass. 16 février 1978, Pas, 1978, I, p. 699.
5. Jean-François Gailly, Obs. sous Mons, 28 janvier 2002, J.L.M.B., 2005.
6. J.-L. Fagnart, «Droit privé des assurances terrestres», T.P.D.C., t. III, Kluwer, 1998, n° 330, p. 203 citant Cass., 26 février 1988, Bull. Ass., 1988, p. 504 avec note Melis.