L'audition des témoins par le juge d'instruction est régie par les articles 70 à 86 du Code d'instruction criminelle. Le juge peut toutefois déléguer les officiers et agents de police judiciaires pour entendre des témoins.
L'audition réalisée par le juge d'instruction se différencie de celle accomplie par les fonctionnaires de police par trois éléments. Premièrement, le témoin qui est auditionné par le juge d'instruction, doit, en principe, être auditionné sous serment, à moins qu'il ne soit légalement privé du droit de prêter serment. A contrario, devant les fonctionnaires de police, le témoin ne doit pas prêter serment et ne peut être contraint de répondre aux questions qui lui sont posées 1.
Deuxièmement, le témoin est tenu de comparaître devant le juge d'instruction et peut, par conséquent, y être conduit de force. Le défaut de comparaître devant le juge d'instruction est dès lors passible d'une amende 2. Par contre, la police, n'a, quant à elle, pas le droit de contraindre un témoin à comparaître, sauf en cas de flagrant crime ou de flagrant délit 3.
Enfin, l'anonymat partiel ou total ne peut être octroyé que dans le cadre d'une audition de témoin pratiquée par un juge d'instruction.
Le juge d'instruction peut inviter un témoin à comparaitre, soit par citation faite par un huissier de justice, ou par un agent de la force publique, à la requête du procureur du Roi, soit par une convocation-avertissement délivrée par le juge d'instruction et remise par un fonctionnaire de police 4.
En principe, le juge d'instruction décide librement s'il désire ou non entendre un témoin 5. L'inculpé et la partie civile ont toutefois la possibilité de demander au juge d'entendre un témoin 6. Le juge peut, néanmoins, rejeter cette demande s'il estime que la mesure n'est pas nécessaire à la manifestation de la vérité, ou est, à ce moment, préjudiciable à l'instruction.
En règle, le témoin est entendu par le juge d'instruction, en dehors de la présence de l'inculpé et de son conseil. Par ailleurs, la personne entendue, doit être informée, succinctement des faits sur lesquels elle sera entendue et ce, au début de l'audition 7. En outre, doivent lui être communiquées les informations suivantes :
a) qu'elle peut demander que toutes les questions qui lui sont posées et les réponses qu'elle donne soient actées dans les termes utilisés ;
b) qu'elle peut demander qu'il soit procédé à un acte d'information ou une audition déterminés ;
c) que ses déclarations peuvent être utilisées comme preuve en justice ;
d) qu'elle ne peut être contrainte de s'accuser elle-même.
Tous ces éléments doivent également être consignés dans le procès-verbal d'audition 8.
Les témoins doivent, en principe, communiquer au juge d'instruction leurs noms, prénoms, âge, état, profession, domicile et s'ils sont domestiques, parents ou alliés des parties et à quel degré. Le juge d'instruction peut, toutefois, décider qu'il ne sera pas fait mention dans le procès-verbal d'audition de certaines de ces données s'il existe une présomption raisonnable que le témoin, ou une personne de son entourage, pourrait subir un préjudice grave à la suite de la divulgation de ces données et de sa déposition 9.
Le juge d'instruction a également la faculté d'ordonner que l'identité d'un témoin dont il a pris connaissance demeure totalement secrète. L'anonymat complet ne peut néanmoins être accordé que si le témoin apparaît comme menacé 10.
En outre, les témoins doivent prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité. L'omission de la prestation de serment n'est pas cependant prescrite, peine de nullité 11. En effet, l'absence de prestation de serment, quel qu'en soit le motif, a pour conséquence que la déclaration ne vaudra que comme simple renseignement 12.
Les personnes interdites légalement du droit de déposer en justice ainsi que la partie civile ne peuvent toutefois pas prêter serment. En outre, dès lors que nul ne peut être tenu de témoigner contre soi-même, la prestation de serment ne peut jamais être obligatoire pour une personne qui, serait contrainte de s'accuser elle-même 13.
Par ailleurs, le témoin qui a juré de dire toute la vérité, est tenue de répondre aux questions qui lui sont posées, sous peine de se voir infliger les peines édictées par la loi pour le refus de témoignage.
A cet effet, les personnes tenues au secret professionnel sont autorisées à révéler ces secrets au juge d'instruction lorsqu'elles sont appelées à témoigner sous serment, sans pouvoir faire l'objet de poursuites pénales 14. Toutefois, elles ne peuvent être contraintes de les révéler si elles croient devoir garder le secret. Par conséquent, elles ne peuvent pas être poursuivies du fait d'avoir refusé de répondre aux questions couvertes par le secret 15.
A la fin de l'audition, la personne interrogée se voit donnée en lecture le procès-verbal, à moins qu'elle ne sollicite que lecture lui en soit faite. Il lui est également demandé si ses déclarations ne doivent pas être corrigées ou complétées. Le procès-verbal est, ensuite, signé par le juge d'instruction, le greffier et le témoin. Si le témoin refuse de signer, le greffier doit faire mention de cette circonstance 16.
Enfin, le législateur a prévu l'obligation de délivrer à toute personne entendue, une copie gratuite de son audition. A la fin de celle-ci, la personne entendue doit, par conséquent, être informée de ce droit. Une copie ne lui sera toutefois remise que si elle en formule expressément la demande.
______________________
1. H. -D. Bolsy et D. Vandermeersch, Droit de la procédure pénale, Bruges, La Charte, 2003, p. 558.
2. Article 80 du Code d'instruction criminelle.
3. Article 34 et 49 du Code d'instruction criminelle.
4. M.-A. Beernaert et Cie, Introduction au droit de la procédure pénale, La Charte, Bruxelles, 2009, p. 192.
5. Cass., 15 mai 1973, Pas., I, p. 842.
6. Article 61 quinquies du Code d'instruction criminelle.
7. Article 47 bis §1er du Code d'instruction criminelle.
8. L. Kennes, « Le témoignage », in Droit pénal et procédure pénale, Kluwer, Malines, 2007, p. 93.
9. Article 75 et 75 bis du Code d'instruction criminelle.
10. Voy. l'article 86 bis du Code d'instruction criminelle en ce qui concerne les différentes conditions permettant l'octroi d'un témoignage anonyme.
11. Cass., 17 octobre 1960, Pas , 1961, p. 174
12. M. Franchimont, A. Masset et A. Jacobs, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, Bruylant, 2006, p. 442
13. Cass., 6 mai 1993, Rev. dr. pén. crim., 1994, p. 91.
14. Article 458 du Code pénal.
15. Cass., 23 juin 1958, Pas., I, p. 1180.
16. Article 47 bis du Code d'instruction criminelle.