La Cour estime que c’est à bon droit que le Tribunal du travail n’a pas retenu la qualification de harcèlement moral au travail donnée par Madame M.
En effet, la Cour relève que les faits qui ont pu être objectivement constatés par le jugement dont appel se sont produits en définitive durant un laps de temps assez court, essentiellement entre le 15 novembre et le 16 décembre 2005.
La période – n’excédant pas un mois – ne permet pas de déceler avec certitude requise, dans les faits qui se sont produits pendant un laps de temps aussi bref (durant lequel Madame M a de surcroît été absente du travail pendant 15 jours pour cause d’incapacité de travail), le harcèlement moral dont elle soutient avoir été l’objet.
Les faits épinglés par Madame M ne permettent pas de constater des conduites abusives et répétées de la part de Madame B et Monsieur B.
D’autre part, la Cour considère que les propos tenus lors de cette réunion ne revêtent aucunement un caractère privé, puisqu’il ne peut être perdu de vue que cette conversation a eu lieu au cours d’une réunion professionnelle du service et qu’il relève des conclusions de Monsieur B et Madame B que « Madame M est subitement entrée dans la pièce et a commencé à installer son matériel d’enregistrement en signalant à l’assemblée totalement médusée qu’elle allait enregistrer la réunion et que cela n’allait pas se passer comme cela ».
Il s’ensuit que la preuve des propos recueillis de la sorte ne peut être écartée des débats en raison de l’illicéité qui affecterait le mode de son obtention, dès lors que celui-ci n’est pas entaché d’un vice qui est préjudiciable à sa crédibilité ou qui porte atteinte au droit à un procès équitable 5.
Quant aux propos constitutifs de violence au travail, la Cour estime que les injures adressées à Madame M, qui vont du « je t’emmerde » au « casse-toi » et au « fous le camp » pour monter d’un cran par le recours au « connasse » ou « conne » ou encore « conne finie » et se transformer enfin en menaces à peine voilées « je te souhaite de crever » sont proférées en présence des collègues de Madame M, trois jours après que celle-ci ait repris le travail et un mois à peine après qu’elle ait saisi la personne de confiance d’une plainte du chef de harcèlement moral.
Leur caractère public, leur virulence à l’égard de Madame M, dont Monsieur B et Madame B reconnaissent la fragilité psychologique, est inadmissible.
Elle l’est d’autant moins admissible que ces insultes et menaces sont proférées dans l’enceinte d’une organisation syndicale dont la vocation première est de défendre les travailleurs et qui se doit donc tout particulièrement de respecter la dignité de son personnel.
De pareil propos étaient incontestablement destinés à porter atteinte à l’intégrité psychique de Madame M et ont obtenu pareil effet, celle-ci ayant été reconnue en incapacité de travail médicalement justifiée pendant un mois et demi suite à l’agression verbale dont elle a fait l’objet.
Ceux-ci correspondent en tous points à la définition de la violence au travail puisqu’il s’agit d’une brimade ou une injure particulièrement méchante proférée en public dans le seul but de nuire à celui qui en fait l’objet et qu’il a pu objectivement ressentir comme une humiliation.
En conséquence, la Cour condamne Monsieur B et Madame B à payer des dommages et intérêts à Madame M.
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5. Arrêt du 10 mars 2008 de la Cour de Cassation qui a tracé les principes directeurs qui trouvent à s’appliquer à cette question de la licéité de l’obtention de moyens de preuve : « Sauf si la loi prévoit expressément le contraire, le juge peut examiner l’admissibilité d’une preuve illicitement recueillie à la lumière des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques en tenant compte de tous les éléments de la cause, y compris de la manière suivant laquelle la preuve a été recueillie et des circonstances dans lesquelles l’irrégularité a été commise. Sauf en cas de violation d’une formalité prescrite à peine de nullité, la preuve illicitement recueillie ne peut être écartée que si son obtention est entachée d’un vice qui est préjudiciable à sa crédibilité ou qui porte atteinte au droit à un procès équitable. Le juge qui procède à cette appréciation peut notamment tenir compte d’une ou de plusieurs des circonstances suivantes : le caractère purement formel de l’irrégularité, sa conséquence sur le droit ou la liberté protégés par la règle violée, la circonstance que l’autorité compétente pour la recherche, l’instruction et la poursuite des infractions a commis ou n’a pas commis l’irrégularité intentionnellement, la circonstance que la gravité de l’infraction excède manifestement celle de l’irrégularité, le fait que la preuve illicitement recueillie porte uniquement sur un élément matériel de l’infraction, le fait que l’irrégularité qui a précédé ou contribué à établir l’infraction est hors de proportion avec la gravité de l’infraction ».