Lorsque les futur époux font le choix d’un régime de séparation des biens pure et simple, ils font le choix que les actifs et les passifs de chacun d’eux restent personnels. 5 La seule exception à ce principe est le régime primaire qui prévoit un certain nombre de protection entre les époux. 6
Le patrimoine de chacun des époux est géré exclusivement par lui. Cela signifie qu’un époux ne peut pas gérer le patrimoine à la place de son époux. Cela étant, les époux peuvent recourir au mandat et à la gestion d’affaire pour autant qu’il porte sur un compte ou un bien appartenant exclusivement 7 à l’autre époux. 8
En principe, lorsque les époux divorcent ou qu’un des époux décède, il ne doit pas y avoir de liquidation du régime de séparation des biens étant donné que chaque époux est propriétaire de ses actifs et passifs.
Toutefois, le principe est assez rare en réalité étant donné que les époux, même mariés sous un régime de séparation de biens, ont des biens en commun qui entraînent des confusions quant à la propriété. Il peut s’agir de compte commun, de l’achat d’un bien par les deux époux, de transfert d’actif sur le patrimoine de l’autre, etc. 9
Partant, les éléments centraux dans ce type de régime sont, d’une part, la preuve de la propriété des biens et, d’autre part, la cause juridique des opérations faites entre les époux.
En ce qui concerne la preuve de la propriété, celle-ci est apportée soit directement par la loi elle-même qui le présume 10, soit par le titre juridique que détient l’époux qui revendique la propriété d’un bien. 11
La preuve doit être apportée par l’époux qui revendique la propriété d’un bien. 12
En ce qui concerne la preuve à proprement parler, celle-ci diffère selon qu’elle doive être apportée entre les époux ou à l’égard de tiers. Entre les époux, les modes de preuves sont plus larges étant donné que la preuve peut se faire par toutes voies de droit. A l’égard des tiers, l’époux peut démontrer qu’il est propriétaire d’un bien par le biais de factures ou de documents. 13 De plus, le tiers qui veut prouver qu’un bien appartient à un époux peut le faire par toutes voies de droit. 14
La preuve immobilière ne pose en principe aucun souci étant donné que la preuve de la propriété est apportée par l’acte authentique d’achat. 15 La preuve de bien mobilier est par contre moins aisée.
A défaut de preuve, le bien est réputé être en indivision entre les époux. 16 En effet, les biens pour lesquels il n'existe pas de factures ou dont les partenaires ne peuvent en aucune manière prouver qu'ils sont leur propriété personnelle, sont censés appartenir pour moitié aux deux époux.
A cet égard, dans la pratique, il arrive fréquemment que le logement familial soit acquis par les deux époux, il est donc indivis entre eux. Toutefois, dans certains cas, les époux n’ont pas financé l’achat du bien immobilier de manière égale. Dans cette hypothèse, l’époux qui revendique le remboursement de sa part excédentaire peut invoquer la donation entre époux 17, l’avance ou le prêt avec preuve écrite 18, l’enrichissement sans cause. 19
Quoi qu’il en soit, l’indivision créée entre les époux peut prendre fin par le partage, à tout moment, donc même pendant le mariage. 20 Cela étant, le législateur a prévu des exceptions à ce principe. Les époux ne peuvent pas sortir d’indivision dans les cas suivants :
- La demande d’indivision porte sur le logement familial 21;
- Il existe une convention d’indivision sur le bien dont les époux demandent le partage 22;
- La demande d’indivision porte sur tous les biens en indivision entre les époux. En effet dans ce cas, cela créerait une liquidation du régime matrimonial pendant le mariage et ceci est contraire au principe de l’immutabilité des régimes matrimoniaux 23.
Les époux peuvent sortir d’indivision soit par un partage en nature 24, soit par la cession du bien à un tiers. Il est également possible qu’un époux rachète la part de l’autre.
Quoi qu’il en soit, le tribunal doit être saisi lorsqu’un prix ou une soulte est prévu entre les époux, et ce, pour éviter la fraude aux droits des tiers. 25
En ce qui concerne la preuve des créances entre les époux, la loi n’a pas organisé les modalités relatives aux modes de preuves de celles-ci. Partant, les créances doivent être prouvées selon les règles de droit commun, c’est-à-dire les articles 1341 et suivants du Code civil. 26
L’article 1341 du Code civil prévoit que pour prouver la créance, l’époux doit se prévaloir d’un écrit émanant de l’époux débiteur de la créance. Cela étant, à défaut d’écrit, l’époux peut invoquer l’existence d’un quasi-contrat, qui, quant à lui, peut être prouvé par toutes voies de droit. 27
Il est important de souligner que le seul transfert d’un compte à un autre ne permet pas d’établir l’existence d’une créance entre époux. 28
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5. Article 1466 du Code civil.
6. Voyez par exemple l’article 222 du Code civil.
7. Cass., 17 juin 2005, R.T.D.F., 2007, p. 256.
8. Articles 219 et 1467 du Code civil ; H. De Page et R. Dekkers, « Traité », t. X, n° 1394.
9. J.L. Renchon, « La liquidation d’un régime de séparation de biens : difficultés et solutions de la jurisprudence » in Trente ans après la réforme des régimes matrimoniaux, Bruylant, 2007, pp. 223 et suivantes.
10. Voyez l’article 1401 du Code civil ; A. Verbeke, « La séparation de biens pure et simple », Rép. Not., t. V, n° 155.
11. Bruxelles, 7 septembre 1988, J.L.M.B., 1999, p. 1016.
12. Article 1315, alinéa 1er du code civil.
13. Article 1399 du Code civil.
14. Anvers, 28 avril, 1993, Tijd. Not., 1993, p. 289.
15. Entre les époux, un compromis de vente suffit : Liège, 14 janvier 2003, Rev. Not., 2004, p. 164.
16. Article 1468, alinéa 2 du Code civil.
17. Liège, 12 décembre 2000, R.T.D.F., 2001, p. 540 ; Article 1096 du Code civil.
18. L. Raucent, Les régimes matrimoniaux, 3e éd., n° 395.
19. Anvers, 22 décembre 1997, R.T.D.F., 2000, p. 505 ; Cass., 22 avril 1976, Pas., 1976, I, p. 914.
20. Article 1469 du Code civil ; Civ. Charleroi, 21 février 1992, J.T., 1993, p. 362.
21. Article 215 du Code civil.
22. Article 815 alinéa 2 du Code civil.
23. Civ. Liège, 10 janvier 1994, R.T.D.F., 1995, p. 566.
24. Civ. Liège, 8 novembre 1993, R.T.D.F., 1995, p. 299.
25. Civ. Hasselt, 20 février 1996, R.G.D.C., 1997, p. 322.
26. Anvers, 22 décembre 1997, R.T.D.F., 2000, p. 505.
27. Anvers, 22 décembre 1997, R.T.D.F., 200, p. 505 ; Article 1348, alinéa 2 du Code civil.
28. N. Bauginet et P. Van Den Eynde, « Séparation de biens pure et simple : clauses relatives aux charges du mariage ou aux droits de créance », in Trente ans après la réforme des régimes matrimoniaux, Bruylant, 2007, pp. 208-209.