Présentation des faits 1
Une société (A) est administratrice d'une autre société (B) depuis 1989. En tant qu'administrateur de la société B, la société A perçoit des rémunérations.
Au cours des exercices 2007 et 2006, la société B décide, en sus des rémunérations d'administrateur, d'allouer des tantièmes à la société A d'un montant de 15.000 euros pour l'exercice 2006 et de 30.000 euros pour l'exercice 2007.
Au cours d'une procédure de rectification, l'administration fiscale rejette la déduction de ces tantièmes en tant que frais professionnels de la société B, mais admet la déduction des rémunérations allouées par la société B à la société A.
Pour l'exercice 2007, l'administration fiscale décide dès lors de procéder à une imposition supplémentaire. En ce qui concerne l'exercice 2006, A avait des pertes déductibles qui sont rectifiées par l'administration fiscale.
Une réclamation est introduite par la société B devant le tribunal de première instance de Namur afin de demander le dégrèvement de la cotisation enrôlée.
Décision de la Cour d'appel de Liège
La Cour rappelle qu'une société peut rémunérer les prestations d'une autre société qui y exerce les fonctions d'administrateur non seulement par un montant fixe mais également par l'octroi de tantièmes, et ce, afin d'inciter la société administratrice à lui faire réaliser des bénéfices.
Par ailleurs, la Cour estime qu'il n'y a pas lieu, comme l'a fait le premier juge, de lier l'octroi de tantièmes à l'exécution de prestations supplémentaires. En effet, si les rémunérations fixes constituent une contrepartie des prestations effectuées par une société administratrice, les tantièmes peuvent, quant à eux, constituer une indemnité complémentaire à cette rémunération, accordée pour les mêmes prestations.
En l'espèce, les rémunérations versées par la société B à la société A sont de 10.535,47 euros par mois, soit 126.425,64 euros pour chacun des exercices litigieux. Rien n'empêchait néanmoins l'assemblée générale de la société B d'accorder à la société A, outre les rémunérations précitées, une indemnité sous forme de tantièmes en considération des résultats de la société B.
La Cour relève toutefois qu'il ressort des travaux préparatoires de la loi portant confirmation des arrêtés royaux pris en exécution de la loi du 26 juillet 1996 que le législateur entend rejeter les tantièmes qui dépasseraient de manière déraisonnable les besoins professionnels.
Il en résulte que le législateur n'a pas voulu rejeter toute rémunération accordée à une société de management, que ce soit sous forme d'un montant fixe ou de tantièmes, mais qu'il a simplement voulu éviter les abus.
En l'espèce, la Cour estime que le montant des tantièmes ne dépasse pas de manière déraisonnable les besoins professionnels de la société B puisqu'il représente respectivement 11,9 % de la rémunération fixe admise comme contrepartie des prestations de la société A pour l'exercice 2006 et 23,7 % pour l'exercice 2007.
En outre, la Cour relève que les conditions d'application de l'article 49 du Code d'impôt sur les revenus (CIR) 1992 sont réunies puisque les tantièmes rémunèrent, sous forme d'indemnité variable s'ajoutant au montant fixe admis par l'administration fiscale, une activité réelle contribuant à l'acquisition ou à la conservation de revenus professionnels dans le chef de la société B et que leur montant, pour chacun des exercices en cause, est justifié par des documents probants.
Par ailleurs, la Cour estime que la circonstance que la société A connaîtrait des pertes qui épongeraient les rémunérations qui lui sont versées est sans incidence sur le litige en cause puisque celui-ci concerne une cotisation enrôlée à charge de la société B.
La Cour donne donc raison à la société B et estime qu'il y a lieu d'admettre la déduction de 45.000 euros pour les tantièmes dont la déduction est postulée, à savoir 30.000 euros pour l'exercice 2007 et 15.000 euros au titre de la perte fiscale à reporter de l'exercice d'imposition 2006. Elle ordonne, en outre, le dégrèvement de la cotisation enrôlée.
Bon à savoir
Les tantièmes constituent, sur le plan fiscal, un mode de rémunération des administrateurs de sociétés, qui se distinguent des autres modes de rémunérations d'administrateurs en ce qu'ils varient en fonction du bénéfice net de la société 2.
Ce mode de rémunération a pour but de faire en sorte que les administrateurs de la société, s'ils ne sont pas actionnaires, soient intéressés par la bonne marche des affaires sociales et déterminés à donner à celles-ci tous leurs soins les plus attentifs afin que la société produise des bénéfices.
Pour être fiscalement déductibles, les tantièmes accordés à une société administratrice doivent satisfaire aux dispositions de l'article 49 du Code d'impôt sur les revenus (CIR) 1992 lequel prévoit qu' « à titre de frais professionnels, sont déductibles les frais que le contribuable a faits ou supportés pendant la période imposable en vue d'acquérir ou de conserver les revenus imposables et dont il justifie la réalité et le montant au moyen de documents probants ou, quand cela n'est pas possible, par tous autres moyens de preuve admis par le droit commun, sauf le serment » 3.
Une société peut donc rémunérer les prestations d'une autre société qui y exerce les fonctions d'administrateur non seulement par un montant fixe mais également par l'octroi de tantièmes afin d'inciter cette société administratrice à lui faire réaliser des bénéfices 4. Il en résulte que ces tantièmes sont donc bien accordés en vue d'acquérir ou de conserver des revenus imposables et donc déductibles en vertu de l'article 49 du CIR 1992 et ce, sans qu'il y ait lieu de lier l'octroi de tantièmes à l'exécution de prestations supplémentaires 5.
Par conséquent, dès l'instant où l'administration fiscale a admis la déduction de la rémunération fixe, et dès lors, la réalité des prestations fournies, elle doit aussi admettre la déductibilité des tantièmes 6.
Il résulte toutefois des travaux préparatoires de la loi portant confirmation des arrêté royaux pris en exécution de la loi du 26 juillet 1996 que le législateur a entendu rejeter la déduction des tantièmes qui dépasseraient de manière déraisonnable les besoins professionnels de la société.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Liège, 21 mai 2014, J.D.F., 2015/1-2, p. 56.
2. D. Philippe, « Le régime fiscal des tantièmes» in En quête de fiscalité et autres propos, mélanges offerts à Jean-Pierre Bours, Bruxelles, Larcier, 2011 p. 262.
3. Article 49 du Code d'impôt sur les revenus (CIR) 1992.
4. Liège, 3 octobre 2013, F.J.F., 2014, P ; 159.
5. Note sous Liège, 21 mai 2014, J.D.F., 2015/1-2, p. 60.
6. F. Ledain, « La déduction des tantièmes dans le collimateur du fisc », Sem. Fisc., 2014/30, p. 1.