Présentation des faits1
Le 5 octobre 1995, Madame D. a été inculpée du chef de faux et usage de faux, en l’occurrence des faux certificats d’immatriculation, des fausses factures ainsi que des fausses pièces d’identité étrangères, et de corruption de fonctionnaires.
Le dossier de la procédure a été communiqué au parquet en application de l’article 127 du Code d’instruction criminelle le 29 octobre 1997. Aucune autre inculpation n’a par ailleurs été prononcée à l’égard de Madame D.
Le Juge d’instruction a, en outre, ordonné que les comptes financiers de Madame D. soient bloqués.
Madame D. a demandé à ce que soit levée la saisie. Par ordonnance datant du 19 septembre 2001, le Juge d’instruction a déclaré la demande non fondée, et ce puisque « les sommes saisies sont le produit des infractions » au sens de l’article 42, 2° du Code pénal.
Madame D. interjette appel contre cette ordonnance.
Décision de la Chambre des mises en accusation
La Chambre commence par constater qu’en affirmant que les sommes sont saisies puisque celles-ci constituent le produit de l’infraction, le Juge d’instruction a violé la présomption d’innocence.
La Chambre rappelle ensuite que les saisies ordonnées par le Juge d’instruction sont régies par les articles 35 et 89 du Code d’instruction criminelle. En vertu de ces articles, celui-ci est en effet autorisé à saisir « tout ce qui paraitra constituer une des choses visées à l’article 42 du Code pénal et tout ce qui pourra servir à la manifestation de la vérité ».
La Chambre considère également que constitue un « produit de l’infraction » au sens de l’article 42, 2° du Code toutes les choses matériellement produites par celle-ci.
Qu’en l’espèce, il n’est pas possible que les sommes saisies soient des « produits » des infractions pour lesquelles Madame D. a été inculpée.
La Chambre estime, en revanche, que les sommes pourraient être considérées comme « des avantages patrimoniaux tirés directement de l’infraction, des biens et valeurs qui leurs ont été substitués ou des revenus de ces avantages investis » au sens de l’article 42, 3° du Code pénal.
La Chambre précise toutefois qu’elle garde toujours un pouvoir d’appréciation concernant le maintien de la saisie.
La Chambre, se basant sur plusieurs éléments, donne raison à Madame D. et ordonne la levée du blocage de ses comptes financiers. La Chambre se doit en effet de constater que le Juge d’instruction n’a fait qu’ordonner un « état » des comptes de Madame D., et non un « historique » complet. Le Ministère public n’a donné aucune information complémentaire à cet égard et s’est contenté de préciser que les comptes « contiennent entre autres le fruit de ses activités professionnelles illicites ». Le juge d’instruction a, en outre, à deux reprises, déjà libéré certains fonds, et ce sans motiver sa décision. Et enfin, la procédure a pris un retard considérable puisque le règlement de la procédure est en attente depuis plus de quatre ans.
Bon à savoir
Les saisies sont des mesures conservatoires tendant à la préservation des choses saisies jusqu’au moment du jugement. Celles-ci sont prises dans le cadre d’une information, d’une instruction ou d’une enquête particulière sur les avantages patrimoniaux.
Lorsqu’un bien fait l’objet d’une saisie, celui-ci est placé directement ou indirectement sous l’autorité des autorités judiciaires2.
Les règles applicables à la saisie prononcée par le Juge d’instruction se trouvent à l’article 89 du Code d’instruction criminelle.
Il est possible de distinguer plusieurs catégories de choses qui peuvent être saisies par le Juge d’instruction ou le Procureur du roi :
- Les choses pouvant servir à la manifestation de la vérité
- Les choses visées à l’article 42 du Code pénal3
- La saisie par équivalent
- Les avantages patrimoniaux supplémentaires découlant de l’infraction ou de faits identiques, des biens et des valeurs qui leur ont été substitués et des revenus de ces avantages investis4
- Le patrimoine d’une organisation criminelle5
- Les choses qui peuvent être saisies en vertu de lois particulières
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Mons (ch. mis. acc.), 22/02/2002, J.T., 2002/15, p. 306.
2. M.-A. Beernaert, C. Guillain, P. Mandoux, M. Preumont et D. Vandermeersch, Introduction à la procédure pénale, Bruxelles, La Charte, 2009, p. 150.
3. L’article 42 du Code pénal prévoit que : « la confiscation spéciale s'applique :
1° Aux choses formant l'objet de l'infraction et à celles qui ont servi ou qui ont été destinées à la commettre, quand la propriété en appartient au condamné;
2° Aux choses qui ont été produites par l'infraction.
3° Aux avantages patrimoniaux tirés directement de l'infraction, aux biens et valeurs qui leur ont été substitués et aux revenus de ces avantages investis ».
4. Article 43quater du Code pénal.
5. Article 43quater, paragraphe 4 du Code pénal.