Présentation des faits1
Madame H. est occupée depuis le 1er juillet 2008 en qualité d’infirmière au service de l’Hôpital de Warquignies.
Le week-end du 8-9 janvier 2011, Madame H. devait assurer à l'Hôpital une garde du dimanche 9 janvier à partir de 8 heures jusqu'au lundi 10 janvier à 7 heures.
Madame H. a été victime d'un accident de la circulation à Quiévrain dans la nuit du 8 au 9 janvier 2011 vers 3 heures 30. Elle a été hospitalisée du 9 au 22 janvier 2011.
Une déclaration d'accident du travail a été établie par son employeur, le 17 janvier 2011. Les circonstances y étaient décrites comme suit : Madame H. « se rendait sur son lieu de travail, pour assurer la garde du dimanche 8 h au lundi 07 h 15. (...) Elle est rentrée chez elle vers 03h00, elle a fait son sac pour aller dormir sur place car elle était de garde et a eu un accident de la route sur le chemin du travail ».
Le certificat médical de premier constat mentionne les lésions suivantes : « contusion pulmonaire – pneumomédiastin droit – fracture aileron sacré g – fracture de la symphyse pubienne ».
La SA X a, par décision notifiée le 9 mars 2011, à Madame H. et au Fonds des accidents du travail, refusé son intervention, au motif que l'accident ne s'était pas produit dans le délai normal pour parcourir le trajet entre la résidence et le lieu de travail» (accident aux environs de 3 h 30 – début de la garde à 8 h).
Madame H. a soumis le litige au tribunal du travail de Mons par requête contradictoire déposée le 17 octobre 2011.
Par jugement prononcé le 29 mars 2013, le premier juge a considéré́ que Madame H. avait été́ victime le 9 janvier 2011 d'un accident sur le chemin du travail et a désigné́ un expert médecin chargé de déterminer les séquelles dudit accident.
Mécontente, la SA X a alors interjeté́ appel de ce jugement. Elle fait valoir essentiellement que Madame H. ne se trouvait pas sur le chemin du travail, ayant largement anticipé son départ au travail sans cause de force majeure mais par pure convenance personnelle.
Décision de la Cour du travail de Mons
La Cour du travail de Mons rappelle tout d’abord que conformément à l’article 8, § 1er, alinéa 1er de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail, l’accident survenu sur le chemin du travail est considéré́ comme accident du travail. L’alinéa 2 définit le chemin du travail comme étant le « trajet normal que le travailleur doit parcourir pour se rendre de sa résidence au lieu de l’exécution du travail, et inversement ».
Le trajet que le travailleur doit parcourir pour se rendre de sa résidence au lieu d’exécutions du travail et inversement est qualifié de trajet normal, au sens de l’article 8, § 1er, alinéa 2, s’il est normal quant à la durée et à l’espace.
La Cour du travail ajoute que le trajet ne devient pas anormal quant à la durée en raison de la seule circonstance que le travailleur quitte prématurément son domicile pour se rendre au lieu de travail (Cass., 8 septembre 1997, Bull., 1997, 835).
Il s’agissait donc d’apprécier in casu d’une part si l’on se trouvait dans l’hypothèse d’une anticipation du départ vers le lieu de travail et s’il existait bien un lien entre le déplacement et l’exécution du travail, et d’autre part, dans l’affirmative, si les circonstances de l’anticipation justifiaient l’importance de celle-ci et si les risques du trajet n’avaient pas été aggravés.
La Cour du travail considère qu’à supposer qu’en l’espèce il soit tenu pour acquis que Madame H. se rendait au moment de l'accident à l'hôpital de Warquignies pour y dormir avant la garde débutant le dimanche à 8 h, il ne peut être considéré que l'anticipation de son départ de près de 5 heures soit justifiée par des motifs légitimes et corresponde à une impérieuse nécessité.
Selon ses propres déclarations, Madame H. a en effet préféré, «pour une question de confort et de facilité», se rendre sur son lieu de travail pour pouvoir dormir plus longtemps, spéculant sur l'éventualité́ de ne pas être appelée en début de garde. En outre, il ne peut être raisonnablement soutenu que ce faisant, les risques du trajet n'ont pas été aggravés. Madame H. a en effet pris la route en hiver, après avoir veillé jusqu'à 3 heures du matin, dans une région où foisonnent les boîtes de nuit, ce qui pose problème au niveau de la sécurité routière.
Eu égard à ces considérations, la Cour estime que Laetitia H. n'était pas sur le trajet normal au sens de l'article 8, § 1er, alinéa 2, de la loi du 10 avril 1971 au moment où elle a été victime d'un accident de la circulation le 9 janvier 2011.
Par conséquent, la Cour du travail de Mons déclare l'appel fondé et réforme le jugement attaqué.
Bon à savoir
L'article 8 de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail considère comme accident du travail, l'accident survenu sur le chemin du travail. L'accident survenu sur le chemin du travail fait donc l'objet d'une indemnisation identique à celle prévue pour les accidents de travail.
Le chemin du travail doit être entendu comme le trajet normal que le travailleur doit parcourir pour se rendre de sa résidence au lieu de l'exécution du travail, et inversement3. Le chemin du travail commence donc au seuil de la résidence du travailleur et se termine au lieu de son travail et inversement.
Le trajet que le travailleur doit parcourir pour se rendre de sa résidence au lieu d'exécution du travail et inversement est normal, au sens de l'article 8, § 1er, alinéa 2, s'il est normal quant à la durée et à l'espace3.
Il ne devient pas anormal quant à la durée en raison de la seule circonstance que le travailleur quitte prématurément son domicile pour se rendre au lieu de travail4.
Cette anticipation du départ doit toutefois être justifiée par des motifs légitimes et correspondre à une impérieuse nécessité, et ne doit par ailleurs en rien aggraver les risques du trajet, pour que l’accident puisse être considéré comme s’étant produit sur le chemin du travail5.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. C. trav. de Mons, 3ème Ch., 11 février 2014, Bull. ass., 2014, liv. 2, 165, note P. MICHEL.
2. Article 8, al. 1er de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail.
3. M. JOURDAN et S. REMOUCHAMPS, « Accidents du travail », in Guide social permanent, Partie I, Livre II, Livre II, Titre II, Chap. III, 2-1020.
4. Cass., 8 septembre 1997, Bull. ass., 1997, p. 835.
5. Cass., 22 octobre 1990, Chr. D.S., 1991, p. 174 ; C. trav. de Mons, 3ème Ch., 11 février 2014, Bull. ass., 2014, liv. 2, 165, note P. MICHEL.