Présentation des faits1
Monsieur X, engagé en qualité d'ouvrier au service de l'ASBL Atelier Saint-Vincent, a été, le 15 décembre 1999, alors qu'il regagnait son domicile, victime d'un accident de la circulation.
Entendu par les services de la gendarmerie, celui-ci a déclaré : «Ce jour, vers dix-huit heures trente, je circulais à bord de mon véhicule dans Sorinnes à une vitesse de plus ou moins septante kilomètres par heure. Je ne portais pas ma ceinture de sécurité. Je pense avoir perdu connaissance au volant de mon véhicule. Lorsque j'ai repris connaissance, je me suis rendu compte que j'avais eu un accident car mon véhicule était encastré entre un poteau électrique et la façade d'une maison (...). J'explique ma perte de connaissance par le fait que je suis surmené et par le fait que je prends des médicaments (Stilnoct 10mg) (...)».
L'employeur de monsieur S.P. a, le 23 décembre 1999, complété un formulaire de déclaration d'accident confirmant cette version des faits.
L'assureur (S.A. Winterthur-Europe assurances) a, par courrier du 29 mars 2000, fait savoir à Monsieur S.P. qu'il estimait que la consolidation de la lésion encourue à la suite de l'accident du 15 décembre 1999 était acquise et qu'à dater du 1er avril 2000, il cesserait son «intervention pour incapacité temporaire».
Le 9 juin 2000, l’assureur a informé Monsieur S.P. qu'il considérait que «l'événement survenu le 15 décembre 1999 n'a pas d'origine traumatique, mais est dû à un problème interne à l'organisme».
Il a, par voie de citation du 4 octobre 2000, assigné Monsieur S.P. et son organisme mutualiste, l'U.N.M.S. afin, d'une part, qu'il soit dit pour droit que l'accident du 15 décembre 1999 «n'est pas un accident du travail au sens de la législation sur les accidents du travail» et, qu'en conséquence, soit entériné son refus d'intervention et, d'autre part, afin que ceux-ci soient condamnés, solidairement ou chacun pour la part qui lui incombe, au remboursement du montant de 138.644 francs (3.436,90 euros), soit 97.274 francs (2.411,36 euros) versés au titre d'indemnités journalières pour la période du 28 décembre 1999 au 31 mars 2000 et 41.370 francs (1.025,54 euros) versés au titre de remboursement de soins de santé.
Monsieur S.P. a, quant à lui, par voie de conclusions du 9 février 2001, introduit une demande reconventionnelle visant à contester la décision de consolidation du 29 mars 2000 et, subsidiairement, à voir désigner un médecin-expert.
Le 10 janvier 2002, le premier juge a fait droit à cette demande reconventionnelle et a désigné en qualité d'expert le docteur Etienne Bourdon avec pour mission de décrire les incapacités dont, à la suite de l'accident du 15 décembre 1999, pouvait avoir été atteint Monsieur S.P.
L’assureur a alors interjeté appel du jugement du 10 janvier 2002.
Décision de la Cour
La Cour du travail de Liège rappelle tout d’abord qu’aux termes de l'article 8, paragraphe premier, de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail, est considéré comme accident du travail, l'accident survenu sur le chemin du travail.
La Cour du travail précise que si cette disposition, tout comme celles des articles 7, alinéa premier, et 9 de cette loi du 10 avril 1971 exclut qu'elle soit d'application lorsqu’il est établi que la lésion n'est pas due à un événement soudain, elle ne requiert nullement que la cause ou l'une des causes de l'événement soudain soit extérieure à l'organisme de la victime.
En l’espèce, l'événement soudain, lequel consiste dans le fait pour l'intimé d'avoir perdu le contrôle de son véhicule, quitté la route, peu importe que ce soit à la suite d'un malaise occasionné par la prise de médicaments ou toute autre cause, et percuté violemment un obstacle, est incontestablement établi.
Le jugement déféré doit, partant, être confirmé en ce que le premier juge a, d'une part, dit pour droit que l'intimé a, le 15 décembre 1999, été victime d'un accident sur le chemin du travail et, d'autre part, procédé à la désignation d'un expert avec pour mission de décrire les incapacités qui ont pu résulter de cet accident et fixer la date de consolidation des lésions.
Par conséquent, la Cour du travail de Liège déclare l'appel non fondé et considère que dans la mesure où la mesure d'instruction décidée par le premier juge se doit d'être confirmée, la cause doit être renvoyée à celui-ci conformément à l'application de l'article 1068, alinéa 2, du code judiciaire.
Bon à savoir
Aux termes de l'article 8, paragraphe premier, de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail, l’accident qui survient sur le chemin du travail lors d’un trajet normal est considéré comme un accident du travail2. On entend par trajet normal, le trajet que le travailleur effectue du lieu où il habite au lieu où il doit se rendre pour des raisons professionnelles et inversement3.
Si l’article 8 de la loi exclut qu'elle soit d'application lorsqu’il est établi que la lésion n'est pas due à un événement soudain, elle ne requiert nullement que la cause ou l'une des causes de l'événement soudain soit extérieure à l'organisme de la victime4.
Ainsi, la personne qui perd le contrôle de son véhicule et quitte la route est victime d'un accident du travail au sens de l'article 8 de la loi du 10 avril 1971, peu importe que ce soit à la suite d'un malaise occasionné par la prise de médicaments ou toute autre cause5.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. C. trav. Liège (12e Ch.), 7 avril 2003, J.L.M.B., 2003/33, pp. 1464-1466
2. Article 8 de la loi du 10 avril 1971.
3. Cass., 20 mars 1978, Pas., 1978, I, p. 807 ; Cass., 24 septembre 1990, J.T.T., 1991, p. 83.
4. Cass., 29 avril 2002, J.T.T., 2002, p. 361.
5. C. trav. Liège (12e Ch.), 7 avril 2003, J.L.M.B., 2003/33, pp. 1464-1466