La loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail détermine non seulement les règles relatives à l'indemnisation d'un accident de travail, mais également celles applicables à un accident sur le chemin du travail.
En effet, l'article 8 de cette loi considère comme accident du travail, l'accident survenu sur le chemin du travail. L'accident survenu sur le chemin du travail fait donc l'objet d'une indemnisation identique à celle prévue pour les accidents de travail.
Deux conditions sont requises pour que l'assureur-loi intervienne. Premièrement, il faut qu'un accident soit survenu, c'est-à-dire un évènement soudain qui cause une lésion. Deuxièmement, l'accident doit être survenu sur le chemin du travail1. En principe, l'existence d'une faute du travailleur ne constitue pas un obstacle à l'indemnisation sauf en cas de faute intentionnelle2.
Le chemin du travail doit être entendu comme le trajet normal que le travailleur doit parcourir pour se rendre de sa résidence au lieu de l'exécution du travail, et inversement3. Le chemin du travail commence donc au seuil de la résidence du travailleur et se termine au lieu de son travail et inversement.
La résidence vise le lieu où le travailleur fixe au moins temporairement son habitation4. La résidence est donc une notion de pur fait, qui ne coïncide pas nécessairement avec le domicile légal du travailleur5.
Le travailleur peut, par ailleurs, avoir plusieurs résidences6. La résidence secondaire où le travailleur passe régulièrement de courts séjours (par exemple le travailleur se rend tous les week-ends dans sa résidence à la mer) est considérée comme une résidence au sens de la loi du 10 avril 1971 avec pour conséquence que le trajet entre cette résidence secondaire et le lieu du travail fait partie du chemin du travail7. N'est par contre pas une résidence, l'habitation fortuite où le travailleur passe par hasard une nuit.
Puisque le chemin du travail commence à partir du seuil de la résidence, les accidents survenus à l'intérieur de celle-ci ne sont pas couverts. Le seuil est franchi dès que le travailleur quitte la partie strictement privative de son habitation. Par conséquent, l'accident survenu dans les parties communes d'un immeuble à appartement constitue un accident sur le chemin du travail8.
Le lieu du travail est, quant à lui, le lieu où le travailleur doit effectuer son travail. Ce lieu ne coïncide pas nécessairement avec l'endroit où le travailleur exerce effectivement son travail. En effet, le lieu du travail vise tout lieu où le travailleur se tient à la disposition de son employeur, et ce alors même que, durant son temps de repos, il ne se trouve pas à l'endroit précis où il doit effectuer ses prestations9. Par ailleurs, on considère qu'un travailleur est sur le chemin du travail chaque fois qu'il se rend au lieu habituel de travail pour accomplir toutes prestations qui ont un rapport avec l'exécution du contrat de travail, ou lorsqu'il en revient. Tel est le cas par exemple lorsque le travailleur se rend à une fête d'entreprise10.
La loi prévoit, en outre, quatre hypothèses où le travailleur est réputé se trouver également au lieu de travail11 :
- lorsqu'il y accomplit, même en dehors des heures de travail, une mission en qualité de délégué syndical ou de représentant des travailleurs, avec l'autorisation expresse ou tacite de l'employeur;
- lorsqu'il assiste à une réunion du conseil d'entreprise ou du comité de sécurité;
- lorsqu'il assiste, avec l'autorisation expresse ou tacite de l'employeur, à des cours de formation qui ont lieu pendant les heures normales de travail ;
- lorsqu'il se présente auprès du conseiller en prévention-médecin du travail.
Par ailleurs, la loi exige que le trajet soit « normal ». Il appartient donc à la victime d'établir que le trajet parcouru était le trajet normal12. À défaut, elle ne peut prétendre à une indemnisation par l'assureur-loi. Le trajet normal n'est pas nécessairement le plus court.
De plus, le trajet peut être considéré comme normal même en cas de détour et/ou d'interruption pour autant que celles-ci restent dans certaines limites. Le juge appréciera cet élément en tenant compte de l'importance du détour ou de l'interruption et de son motif13. Si le détour ou l'interruption est peu important, il sera admis s'il est justifié par des motifs légitimes14. Par contre, si l'interruption ou le détour est important, il faudra démontrer la survenance d'un évènement de force majeure (par exemple, le détour engendré par déviation de la route)15.
Par ailleurs, la loi considère que le travailleur reste sur le chemin du travail lorsqu'il effectue des détours pour embarquer ou débarquer des collègues dans le cadre d'un covoiturage ou pour conduire ou reprendre ses enfants à la garderie ou à l'école pour autant que ces détours soient nécessaires et raisonnablement justifiables16.
Enfin, l'article 8 §2 de la loi du 10 avril 1971 contient une liste de trajet assimilé au chemin du travail. Il s'agit :
- du lieu du travail vers le lieu où le travailleur prend ou se procure son repas et inversement ;
- de son lieu de travail à l'endroit où le travailleur suit des cours en vue de sa formation professionnelle et de cet endroit à sa résidence;
- du lieu où le travailleur travaille en exécution d'un contrat de louage de travail avec un employeur, au lieu où il travaillera en exécution d'un contrat de louage de travail avec un autre employeur;
- pour se rendre de l'endroit où le travailleur travaille au lieu où il perçoit en espèces tout ou partie de sa rémunération ou du montant qui y correspond, et inversement;
- pour chercher un nouvel emploi pendant le délai de préavis, dans les limites fixées par la législation sur les contrats de louage de travail et avec l'autorisation de l'employeur;
- pour se rendre, même en dehors des heures de travail, de sa résidence ou du lieu où il a repris du travail, chez son précédent employeur afin de remettre ou de recevoir des documents prescrits par la législation sociale, des vêtements ou des outils, et inversement;
- du lieu d'embauchage au lieu d'exécution du travail pour les travailleurs occupés par des entreprises de chargement, déchargement et manutention des marchandises dans les ports, débarcadères, entrepôts et stations et des employeurs s'occupant de réparation de bateaux, lorsqu'il n'y a pas de contrat préalablement conclu;
- par les marins en vue de leur enrôlement, du bureau d'embauchage pour marins au commissariat maritime;
- du lieu où le travailleur à domicile œuvre à façon des matières premières ou des produits partiellement achevés qu'un employeur lui a confiés au lieu où il prend ou délivre ces matières ou produits, et inversement;
- du lieu où le travailleur se trouve ou doit se trouver pour l'exécution d'une mission, au lieu où il prend ses loisirs et inversement, sauf interdiction expresse de l'employeur;
- par le travailleur qui, ayant la qualité de délégué syndical ou de représentant des travailleurs, suit des cours de formation syndicale, du lieu de sa résidence ou de son lieu de travail au centre de formation où il se rend pour suivre ces cours et inversement.
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1. J.-F. Funck, Droit de la sécurité sociale, Larcier, Bruxelles, 2014, p. 376.
2. Article 48 de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail.
3. Article 8, al. 1er de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail.
4. Cass., 3 octobre 1983, J.T.T., 1984, p. 142.
5. Le domicile légal est le lieu où le travailleur est inscrits dans les registres de la population, C. trav. Gand 3 déc. 1993, R.B.S.S., 1994, p. 17.
6. Cass., 29 juin 1998, J.T.T., 1998, p. 475
7. L. Van Gossum, Les accidents du travail, Bruxelles, De Boeck, 1994, p. 45
8. C. trav. Liège, 5 juin 1992, Chron. D.S., 1994, p. 296.
9. Cass., 3 mai 1978, R.B.S.S., 1979, p. 707.
10. C. trav. Bruxelles, 7 mars 1994, Chron. D.S., 1994, p. 316.
11. Article 8, §1er, al. 3 de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail.
12. M. Jourdan et S. Remouchamps, « Accidents du travail », in Guide social permanent, Partie I, Livre II, Livre II, Titre II, Chap. III, 2-1020.
13. Cass., 20 mars 1978, Pas., 1978, I, p. 807.
14. Voy. M.Jourdan, « L'accident sur le chemin du travail: interruption du trajet », Chron. D.S., 2011/5, p. 256.
15. Cass., 24 septembre 1990, J.L.M.B., 1990, p. 1352.
16. Article 8, §1er, al. 2 de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail.