Le droit de rétention confère à un créancier le droit de suspendre la restitution d'un bien qui lui a été remis par son débiteur ou qui est destiné à son débiteur tant que sa créance relative à ce bien n'est pas exécutée1.
A l'heure actuelle, le droit de rétention n'est pas régit par le Code civil. Toutefois une loi du 11 juillet 2013 dont l'entrée en vigueur est prévue pour le 1er janvier 2017 prévoit l'introduction de plusieurs dispositions relatives au droit de rétention dans le Code civil.
L'exercice du droit de rétention suppose la réunion de plusieurs conditions. Si elles sont réunies, le créancier pourra retenir la chose qu'il détient sans mise en demeure préalable et sans devoir requérir l'autorisation du juge2.
L'exercice du droit de rétention peut toutefois être interdit par une disposition légale spécifique, une clause contractuelle ou une norme déontologique. Par ailleurs, quand bien même il est autorisé, le créancier devra veiller à ne pas faire usage de son droit de rétention de manière abusive sous peine de commettre un abus de droit3.
La première condition d'exercice du droit de rétention consiste dans l'existence d'une créance certaine et exigible. Le créancier ne peut en effet exercer le droit de rétention qu'à partir du moment où le débiteur reste en défaut de respecter ses engagements4. La créance ne doit pas nécessairement être de nature contractuelle, ni porter sur le paiement d'une somme d'argent.
Deuxièmement, le droit de rétention suppose que le créancier détienne légitimement un bien qu'il est tenu de délivrer au débiteur. Le bien retenu ne doit pas nécessairement être d'une valeur égale au montant de la créance impayée5.
Lorsque la détention matérielle du bien a été acquise de manière irrégulière ou par dol ou fraude, le créancier ne peut se prévaloir du droit de rétention6. En outre, une fois dessaisi du bien, le créancier perd, en principe, le droit d'invoquer le droit de rétention7. La loi du 11 juillet 2013, dont l'entrée en vigueur est prévue pour le 1er janvier 2017 au plus tard, prévoit toutefois que si le créancier retrouve la détention du bien dans le cadre du même rapport juridique, il conserve son droit de rétention sur ce bien8.
Enfin, l'exercice du droit de rétention suppose un lien de connexité entre la créance et l'objet retenu par le créancier9. On parle de connexité matérielle lorsque le créancier a exécuté des prestations sur la chose du débiteur : il l'a travaillée, l'a améliorée, l'a incorporée, etc.,… On parle de connexité juridique lorsque le bien est détenu en raison d'une relation contractuelle ayant donné lieu à la créance inexécutée.
Par ailleurs, précisons que le créancier n'acquiert aucun droit sur la chose. Le droit de rétention ne constitue dès lors qu'un moyen de pression utilisé par le créancier impayé afin d'amener le débiteur à s'exécuter puisque celui-ci ne récupèrera le bien détenu qu'à condition que la dette soit honorée.
En outre, le droit de rétention oblige le créancier à se comporter en bon père de famille10. Il doit dès lors conserver la chose dans de bonnes conditions et ne peut en faire usage. Il ne peut pas non plus s'approprier les fruits de la chose. Le créancier pourra demander au débiteur le remboursement des frais rendus nécessaires pour la conservation de la chose et son maintien en état11.
En ce qui concerne l'opposabilité aux tiers et notamment aux autres créanciers du débiteur, la loi du 11 juillet 2013, qui entrera en vigueur au plus tard le 1er janvier 2017, prévoit que lorsqu'il porte sur un bien mobilier corporel, le droit de rétention est opposable aux créanciers du débiteur et aux tiers si ceux-ci ont acquis un droit sur le bien après que le créancier a obtenu la détention du bien.
En ce qui concerne les tiers ayant un droit plus ancien sur le bien, le droit de rétention leur sera également opposable à condition qu'au moment de la réception du bien, le créancier ait pu supposer que le débiteur disposait du pouvoir pour soumettre ce bien à un droit de rétention12.
Enfin, la loi prévoit que le droit de rétention a pour effet de conférer au créancier un droit de préférence similaire à celui du créancier gagiste.
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1. Article 86 de la loi du 11 juillet 2013 modifiant le Code Civil en ce qui concerne les sûretés réelles mobilières et abrogeant diverses dispositions en cette matière.
2. I. Durant, « Le droit de rétention et la réserve de propriété, deux sûretés réelles mobilières à part entière », in Insolvabilité et garanties, Larcier, Bruxelles, 2014, p. 42.
3. P. Van Ommeslaghe, « Observations sur les effets et l'étendue du droit de rétention et de l'exceptio non adimpleti contractus, spécialement en cas de faillite du débiteur », note sous Gand, 4 mai 1961, R.C.J.B., 1963, p.74
4. E. Dirix, « Droit de rétention », in Privilèges et hypothèques. Commentaire avec aperçu de jurisprudence et de doctrine, Kluwer, Waterloo, 2002, p. 55.
5. Anvers, 6 juin 2011, R.W., 2001-2012, p. 747.
6. H. De Page, Traité élémentaire de droit civil belge, VI, 772, n°813
7. Liège, 28 ocotbre 2004, J.L.M.B., 2005, p. 1047.
8. Article 87 de la loi du 11 juillet 2013 modifiant le Code Civil en ce qui concerne les sûretés réelles mobilières et abrogeant diverses dispositions en cette matière.
9. F. Georges, « Observations sur le droit de rétention et la saisie conservatoire », note sous Civ. Liège, 21 décembre 1994, Act. dr., 1996, p. 162.
10. I. Durant, « Le droit de rétention et la réserve de propriété, deux sûretés réelles mobilières à part entière », in Insolvabilité et garanties, Larcier, Bruxelles, 2014, p. 51.
11. Anvers, 15 janvier 2013, N.j.W., 2014, p. 271.
12. Article 88 de la loi du 11 juillet 2013 modifiant le Code Civil en ce qui concerne les sûretés réelles mobilières et abrogeant diverses dispositions en cette matière.