Le brevet d'invention est le titre accordé par une autorité constituée qui a pour objet de décrire et de revendiquer une invention et, qui a pour objet de conférer à celui qui en est propriétaire un droit exclusif d'exploitation de l'invention revendiquée, pour une durée limitée, et sous le contrôle des autorités judiciaires 1.
La protection de l'invention n'est donc pas accordée automatiquement. Il faut que l'inventeur sollicite et obtienne, aux conditions de fond et de forme imposées par la loi, un titre délivré par l'autorité publique et énonçant l'objet de la protection revendiquée.
Dans la plupart des pays, le titre ne sera délivré qu'à l'issue d'un examen des conditions d'obtention 2. Ces pays sont dits « pays à examen ». C'est le cas notamment du système européen des brevets qui vise à assurer une délivrance européenne centralisée des brevets. D'autres pays, par contre, ne procèdent qu'à un examen formel de sorte qu'une invention, même manifestement non brevetable, pourra y faire l'objet d'un brevet. Ces pays sont dits « pays à enregistrement ». C'est le cas notamment de la Belgique. Cette dernière étant également membre de l'Union européenne, la protection d'une invention peut dès lors y être obtenue soit par le biais d'un brevet belge, soit par le biais d'un brevet européen, voire encore par un brevet international.
Les conditions de fonds qui doivent être remplies pour qu'une invention puisse être brevetable sont identiques en droit belge et en droit européen. Ces conditions cumulatives sont au nombre de cinq : il faut qu'il s'agisse d'une invention admise par la loi à une telle protection légale, que l'invention soit susceptible d'application industrielle, qu'elle soit nouvelle, qu'elle témoigne d'une activité inventive (« originalité ») et qu'elle ne soit pas contraire à l'ordre public 3.
Premièrement, il faut qu'il s'agisse d'une invention admise par la loi. A cet égard, on peut définir l'invention comme un « faire » technique, reproductible matériellement et utilisable à des fins techniques. Une invention constitue donc une solution technique à un problème déterminé 4. Cette solution technique peut prendre diverses formes. Il peut s'agir d'un produit nouveau, d'un procédé nouveau, d'une application nouvelle d'un produit déjà connu ou d'une combinaison nouvelle de moyens.
Par ailleurs, le législateur exclut lui-même certains éléments de la notion d'invention. Ne sont donc pas considérés comme des inventions :
a. les découvertes ainsi que les théories scientifiques et les méthodes mathématiques,
b. les créations esthétiques,
c. les plans, principes et méthodes dans l'exercice d'activités intellectuelles, en matière de jeu ou dans le domaine des activités économiques, ainsi que les programmes d'ordinateur,
d. les présentations d'informations.
Toutefois, l'exclusion ne joue que si le brevet ne concerne que l'un de ces éléments considéré en tant que tel 5. Il résulte de cette précision que de nombreuses décisions admettent aujourd'hui la protection d'inventions dans le domaine informatique lorsque le programme s'inscrit dans un objet plus large qui, lui, présente un caractère technique 6.
A côté de cela, il existe également des exceptions à la brevetabilité. C'est le cas pour les variétés végétales particulières, les races animales déterminées, les procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux ou d'animaux ainsi que les méthodes diagnostiques ou thérapeutiques appliquées au corps humain ou animal, ce qui n'empêche pas que soient brevetables des produits (substances ou compositions) pour la mise en œuvre d'une telle méthode 7.
L'invention doit être susceptible d'application industrielle. Il faut donc que l'objet de l'invention puisse être fabriqué ou utilisé dans tout genre d'industrie (y compris l'agriculture) 8.
L'invention doit également être nouvelle par rapport à l'état de la technique 9, lequel vise tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen 10. Le lieu, l'époque et les modalités de la divulgation importent peu, du moment que celle-ci soit suffisante pour que, portée à la connaissance de l'homme du métier, elle lui eût permis de percevoir le contenu de l'invention et de la reproduire 11.
La protection légale de l'invention suppose, en outre, une activité inventive, c'est-à-dire qu'il doit s'agir d'une invention qui, pour l'homme du métier, ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique 12. Il y aura donc lieu d'examiner si, au vue de la technique, un spécialiste moyen pouvait aboutir à la solution pour laquelle le brevet est sollicité de par la simple connaissance de cette technique.
Enfin, l'invention doit être licite, c'est-à-dire qu'elle ne doit pas être contraire à l'ordre public et aux bonnes mœurs.
Si le brevet d'invention est accordé, son titulaire disposera d'un droit exclusif d'exploiter l'invention à son profit pendant vingt ans. Il disposera dès lors d'une action en contrefaçon contre tout tiers qui utiliserait son invention sans son consentement 13. En contrepartie, il devra payer une taxe annuelle et sera tenu d'exploiter le brevet obtenu. À défaut d'exploitation, le ministre des Affaires économiques pourra octroyer une licence d'exploitation à un tiers pour défaut ou insuffisance d'exploitation de l'invention 14.
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1. V. Cassiers et B. Remiche, Droit des brevets d'invention et du savoir-faire, Créer, protéger et partager les inventions au XXIe siècle, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 12.
2. F. De Visscher , « La protection des inventions et du savoir-faire », in Guide juridique de l'entreprise - Traité théorique et pratique. 2ème édition, Waterloo, Kluwer, 2003, p. Livre 98.1.
3. D. Kaesmacher, Droit intellectuels, Bruxelles, Larcier, 2013, p. 304.
4. D. Philippe, Droits des affaires, Bruxelles, Larcier, 2013, p. 74.
5. Article XI.4 du Code de droit économique belge et articles 52 §2 et 3 de la Convention de Munich sur le brevet européen de 1973.
6. A. Strowel et E. Derclaye, Droit d'auteur et numérique. Logiciels, bases de données, multimédia. Droit belge, européen et comparé, Bruxelles, Bruylant, 2001, p. 252.
7. Article XI. 5 du Code de droit économique belge et article 53 de la Convention de Munich sur le brevet européen de 1973.
8. Article XI. 8 du Code de droit économique.
9. Civ. Mons, 9 janvier 2004, J.L.M.B., 2004/20, p. 894.
10. Article XI.6 du Code de droit économique belge et Article 54 de la Convention de Munich sur le brevet européen de 1973.
11. M. Buydens, Droit des brevets d'invention et protection du savoir-faire, Bruxelles, Larcier, 1999, p. 56.
12. Article XI.7 du Code de droit économique belge et Article 56 de la Convention de Munich sur le brevet européen de 1973.
13. Cass., 3 février 2012, J.L.M.B., 2012/21, p. 985.
14. D. Philippe, Droits des affaires, Bruxelles, Larcier, 2013, p. 76.