La loi du 19 octobre 2015, dite la loi « pot-pourri I »1. instaure notamment une nouvelle procédure administrative de recouvrement des créances incontestées en matière commerciale aux articles 1394/20 et suivants du Code judiciaire.
Le législateur a, par l’introduction de cette procédure, entendu faciliter et accélérer le recouvrement des créances entre les entreprises liées à leurs activités professionnelles, afin d’éviter que la bonne santé financière des entreprises créancières ne soit mise en péril par des retards de paiement non justifiés2. Dans le même temps, le législateur transpose le premier alinéa de l’article 10 de la Directive 2011/17/UE3.4
Dans ce mode de recouvrement des créances, l’huissier de justice joue un rôle central, avec un contrôle quasi-inexistant du juge, puisqu’au plus tard le 1er septembre 2017, tout huissier sera compétent pour émettre un titre exécutoire sans que l’intervention du juge ne soit nécessaire.
Ainsi, le nouvel article 1394/20 du Code judiciaire autorise l’huissier à recouvrer « au nom et pour le compte du créancier, toute dette non contestée qui a pour objet une somme d’argent, quel qu’en soit le montant, augmenté des majorations prévues par la loi et des frais du recouvrement ainsi que, le cas échéant et à concurrence de 10% du montant principal, de tous les intérêts et clauses pénales », à condition que le créancier et le débiteur soient tous deux inscrits à la Banque de Carrefour des Entreprises (BCE).
La procédure mise en place par les nouveaux articles du Code judiciaire ne peut être mise en œuvre par l’huissier de justice5 qu’à la demande de l’avocat du créancier6.
Avant de procéder au recouvrement, l’huissier de justice, mandaté par l’avocat du créancier, doit, dans le mois, envoyer au débiteur une sommation de payer, laquelle doit mentionner les montants dus, preuves à l’appui. A cette sommation, sont annexées les pièces probantes dont dispose le créancier et un formulaire de réponse (dont le modèle sera établi par le Roi)7. Il importe de souligner que la dette doit être certaine, liquide et exigible au moment de la sommation8.
Le débiteur dispose d’un délai d’un mois à compter de la sommation afin de payer, contester la dette ou réclamer un plan d’apurement. Pour ce faire, il devra remplir le formulaire de réponse et le transmettre à l’huissier de justice, par lettre recommandée, par remise en mains propres contre accusé de réception ou par tout autre moyen que le Roi déterminera9. Il est utile de se demander ce qu’il se passe si le débiteur ne remplit pas le formulaire de réponse mais communique par un autre moyen.
Si le débiteur paie la dette ou s’il la conteste, le recouvrement par voie d’huissier prendra fin, sans préjudice du droit du créancier de poursuivre le recouvrement par voie judiciaire. Par contre, si des termes et délais ont été convenus, le recouvrement sera suspendu10.
A défaut de réaction du débiteur, l’huissier dressera un procès-verbal de non-contestation. Ce procès-verbal sera, sur requête de l’huissier, rendu exécutoire par un magistrat du Comité de gestion et de surveillance près du fichier central des avis de saisies, de délégation, de cession, de règlement collectif de dettes et de protêt11.12 Il sera ensuite revêtu de la formule exécutoire et pourra, ipso facto, être exécuté suivant les dispositions du Code judiciaire.
A cet égard, il convient de préciser que le débiteur dispose d’un recours pour suspendre l’exécution du procès-verbal de non-contestation. Toutefois, le législateur ne prévoit pas dans quel délai ce recours doit être exercé, ce qui peut engendrer une insécurité juridique13.
Enfin, le législateur prévoit la création d’un Registre central pour le recouvrement de dettes d’argent non contestées au sein de la Chambre nationale des huissiers de justice14. Il s’agit d’une collecte de données qui permettra de vérifier le bon déroulement de la procédure de recouvrement15.
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1. Articles 32 à 40 de la loi du 19 octobre 2015 modifiant le droit de la procédure civile et portant des dispositions diverses en matière de justice, M.B., 22 octobre 2015, p. 65084, qui ont introduit les articles 1394/20 et suivants dans le Code judiciaire.
2. C. Van Oldeneel, « Une nouvelle procédure administrative de recouvrement des créances non contestées », Bull. ass., 2015, liv. 4, p. 490.
3. Directive 2011/17/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 février 2011 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales.
4. P. Gielen, « Le nouveau statut de l’huissier de justice. Entre modernisation et objectivation », interview réalisée le 28 janvier 2016, disponible sur www.stradalex.com
5. Article 519, §1er, alinéa 2 du Code judiciaire.
6. C. Van Oldeneel, « Une nouvelle procédure administrative de recouvrement des créances non contestées », Bull. ass., 2015, liv. 4, p. 490.
7. Nouvel article 1394/21 du Code judiciaire, introduit par l’article 34 de la loi du 19 octobre 2015.
8. I. Vogelaere, « Les huissiers de justice recouvrent les dettes d’argent non-contestées (art. 9 et 32-40 LDD) », Actualités du 2 novembre 2015, disponible sur www.jura.be
9. Nouvel article 1394/22 du Code judiciaire, introduit par l’article 35 de la loi du 19 octobre 2015.
10. Nouvel article 1394/23 du Code judiciaire, introduit par l’article 36 de la loi du 19 octobre 2015.
11. Ce fichier central est visé à l’article 1389bis du Code judiciaire.
12. Nouvel article 1394/24 du Code judiciaire, introduit par l’article 37 de la loi du 19 octobre 2015.
13. E. Leroy, « Nouvelle procédure simplifiée de recouvrement des créances B2B non contestées », SPRL LEROY, ROGER & OTS, disponible sur www.leroy-roger.be
14. Nouvel article 1394/27 du Code judiciaire, introduit par l’article 40 de la loi du 19 octobre 2015.
15. C. Van Oldeneel, « Une nouvelle procédure administrative de recouvrement des créances non contestées », Bull. ass., 2015, liv. 4, p. 492.